Saturday 20 February 2021

Éric de Kermel - son mektoub laisse un bon mesvoune!


D'abord, son patron, s'il est Catholique, devrait être un nordique. Les mots sont purement germaniques - éï = éternel (comparez le latin aevum) et rikr = roi (comparez les gaulois rix, rigis, d'Orgétorix à Astérix). La composition est christophore, comme Emmanuel d'Isaïe 7, ainsi "roi éternel" ou "prince éternel" d'Isaïe 9. Dans le passage "Pater futuri saeculi, Princeps pacis" on peut démembrer "futuri saeculi Princeps" = Éric. Et Frédéric est bien entendu de "Princeps pacis".

Ensuite, s'il évoque "mektoub", ça me fait regretter de ne pas encore avoir appris une langue sémitique. Si "se souvenir" était un verbe arabe, j'imagine que "le souvenir" serait "mesvoune". Si les trois lettres en mektoub étaient échangés pour C, R, T, ce serait "mecroute", un bon gâteau de ces contrés là. Par contre, ce serait probablement plutôt initiale vocalique, C, R, donc "me'cour". Si ceci ne sera jamais une langue construite, au moins ça pourra donner quelques mots à l'argot.

Depuis mon adolescence, probablement 13 ou au moins 14, jusqu'à dans mes années 20, j'ai possédé un livre qui s'appellait "Romanens formvärld". La librairie de la places aux Herbes est ce qu'on appelle un "roman épisodique". Pour un roman épisodique, pas tellement un drame du début à la fin, que plusieurs petits drames, quasi des nouvelles. Si le livre donne comme exemple Don Quichotte avec Gil Blas, ceux-ci le sous-genre "roman picaresque" (road-movie), ma préférence est Robin des Bois. Il y a un drame de base qui fait le fil du collier ... Robert de Locksley devient un hors-loi au début, et il se reconcile avec Richard Cœur de Lion (ou un autre) à la fin. Mais entre ces pôles, les épisodes sont quasi nouvelles, dont la prémisse de base est ce drame.

Ceci est donc le forme de La librairie de la places aux Herbes, et le drame de base commance quand une professeure de région parisienne se reconvertit en libraire à Uzès, finit quand tous les personnages hormis Tarik se rassemblent quand elle accueille un auteur arabe. Entre ces poles, comme pour Robin des Bois, il s'agit en grand partie des personnes (quasi toutes évoquées dans l'épilogue) avec lesquelles elle noue des relations. Et comme Robin des bois a presque tous les chapitres nommés pour une personne (Frère Tuck, Petit-Jean, Alan de Dale, pour certains des plus mémorables), dans ce roman, chaque chapitre est dédié à une personne qu'elle va connaître.

Puis-je donner un conseil aux issus des'aqdam alsawda'? Ou deux.

1) Say after me: "my pedigree sono pedi negri". Si vos grand-parents au Maghreb étaient surtout européens, français, ou francaoui, roumi, ici en France, ils sont le mieux décrits par un chant popularisé par Jean-Marie Le Pen : "c'est nous les Africains qui venons de loin". Là, ils étaient les plus européens, ici les moins tels, hormis les immigrés d'origine non-européenne. Je respecte beaucoup ceux qui sont restés sur un endroit, chez eux, mais je me dois rendre compte que j'en ne fais pas partie - vous aussi, non?

2) Si les grand-parents étaient nostalgiques de la bonne entente entre Français et Arabes et Kabyles, pourquoi pas valoriser les villes en France où celle-ci se répète?

Ou trois ...

3) Lisez les chapitres Léïla et Tarik!

Par rapport au chapitre Cloé, non, ce n'est pas toujours le devoir d'une libraire ou d'une bibliothécaire de guider les lectures. Un bon mot évoqué entre Malraux et de Gaulle (mais pas d'eux) dit qu'on est embourgeoisé dès qu'on sait ce qu'on veut. Certains lecteurs sont vite embourgeoisés, c'était mon cas.

Je me souviens d'une bibliothécaire, une Serbe immigrée en Suède. C'est à elle que j'ai demandé s'il y avait des livres pareils au "livres de Narnia" - on ne dit pas "le monde de Narnia" chez nous, on dit "Narnia-böckerna", "les livres de Narnia". Et - que je n'ai pas eues à cette bibliothèque, les bibliothèques de Malmö ayant une politique contre les livres en série "Fem-böckerna", "les livres des Cinq" (avec la géographie et les noms des originaux - Julian, Dick, Ann et George, pas François, Mick, Ann et Claude, et Kirrin Island en Cornouailles, non en Bretagne). Par réponse, j'ai eu d'abord Tolkien. J'ai fini par acheter les originaux anglais pour le Seigneur des Anneaux, et j'ai redemandé, et j'ai eu du fantasy, bon et moins bon. Ursula Kroeber LeGuin a fait un livre un peu trouble en Le sorcier de Terremer. Donner à un démon son propre nom, c'est un acte plutôt freudien que pertinant pour un bon exorciste catholique. J'ai pas tenu à suivre cet exemple, mais j'ai tenu à connaître la suite, et Les tombeaux d'Atuan était magnifique. Et L'Ultime rivage m'est tombé des mains. Les dialogues entre Ged et son apprenti ... par contre, ça a pu inspirer partie des bonnes choses en BoNe, vers la fin. Ou la prémisse de base de L'Histoire sans fin. Mais C. S. Lewis et J. R. R. Tolkien étaient des très bons "libraires" dans ce sens, et c'est comme ça que j'ai compris que je voulais lire Canterbury Tales. La Serbe m'a dit que j'étais trop jeune pour comprendre, mais elle n'avait pas raison.

Mais oui, je pense aussi que Cloé avait besoin d'autre chose que les grands du XIX siècle. Celui-ci n'est pas le meilleur de la littérature française. Hugo ne vaut qu'en partie Rydberg. Les Fleurs du mal ne seront pas égaux à Blommorna par Atterbom. Dumas est moins bon que Karl May - mais moin mauvais aussi. Enfin, mes auteurs favoris ont eu en commun d'être essayistes, pas que des romanciers. Les essais de C. S. Lewis, en plusieurs volumes, c'est probablement le double du Monde de Narnia. Chez Karl May, quasi chaque chapitre commençait avec un essai, plus ou moins long, ce qui rend Karl May autant éducatif que l'était autrefois Homère. Malgré un fin goût qui frogne les sourcils quand on évoque Karl May, comme d'anglophones font pour Blyton et faisaient pour Tolkien et Lewis*. S'il dit dans Winnetou I, "je veux être le Lehrer de mes lecteurs" (inserez professeur, enseignant, maître comme traduction de Lehrer, selon vos préférences), le début du roman le montre, puisque d'abord il y a un essai du greenhorn, ensuite un essai de la ligne ferroviaire entre Saint Louis** et l'Ouest, suivi par un essai sur les trappeurs et un autre sur les grizzli ... ceci est donc le bon côté Karl May. Le mauvais en est que Und Friede auf Erden a bien pu inspirer la prière de paix à Assise en 1986. Trop bien. Si à ma conversion je n'ai pas encore redouté ce geste, si j'ai pas conclu à l'époque que Wojtyla était un anti-pape, c'est que je venais de Karl May, de son Und Friede auf Erden.

Pour sédévacantistes et FSSPX, le roman de Kermel rappelle que, si les néo-Catholiques de Vatican II, de Novus Ordo, sont en erreur, ils ne sont pas tous et chacun des apostats. Il y a pas mal de ceux que Pape Michael considère plutôt comme âmes catholiques déplacées de leur maison, de la vraie église. Ceci n'enlève pas des critiques comme Ils l'ont découronné ou J'Accuse le concile. Ou de Iota Unum. Ni de la nécessité de revenir au créationnisme et au géocentrisme. Mais ça modifie l'attitude envers ceux qui ne sont pas là.

Hans Georg Lundahl
Paris
20.II.2021

* Je ne sais pas si Friedrich Heinrich Lewy ait prononcé son nom aux États-Unis comme "livi" ou comme "loui", mais en Allemagne c'était comme "lévi". Ceci n'est nullement la prononciation de Lewis, qui est le même nom que Louis, mais le s à la fin prononcé! ** Saint Louis et Louis Armstrong ont l'orthographe française parce que la ville à été fondé par les Français (comme Santa Fé par les Espagnols) et le jazziste vient de Nouvelle Orléans, aussi fondé par les Français. L'orthographe anglais est Lewis.

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