Distinguons


En français, depuis mon arrivé en 2005, j’ai noté un peu une confusion entre l’insistance sur l’usage de la raison, d’un côté, et de l’autre l’obéissance à l’homme socialement censé être raisonnable et responsable quand il demande « soyons raisonnables » ou « soyons responsables ».

Souvent les deux usages couvrent une même réalité dans une situation donnée.

Si à trois heures du matin après la fermeture du bar quelqu’un voulant encore une verre ou un café propose d’aller à un autre, en pas mal de villes, peut-être même Paris, ce propos est un peu déraisonnable, au moins distrait.

Là, on peut sans doute dire « soyons raisonnables, les bars sont fermés, renonçons » ou encore « soyons responsables, quelqu’un de nous qui peut inviter les autres jusqu’au matin ? »

Et l’une comme l’autre injonction aura en fait été aussi une injonction à bien utiliser sa raison.

Par contre, il y a parfois aussi des contextes où les deux usages sont en conflit.

C. S. Lewis propose de prouver l’existence de Dieu, et en plus d’un Dieu bien personnel, qui pourra en théorie faire des miracles et qui pourra en théorie se révéler aux hommes, à partir du fait que nous traitons les règles de la logiques et les directives de la morale comme quelque chose d’obligatoire aussi pour tous les autres, censés suivre les même règles qu’un même en raisonnant, ou les mêmes directives qu’un-même en agissant avec sa volonté là où l’honneur ou bonheur sont en cause.

Quelqu’un dira « soyons raisonnables, si c’était comme ça, il n’y aurait pas d’athées, il ne peut quand même pas prétendre que tous les athées soient illogiques ! » – là il exprime totalement le contraire de l’autre expression, « utilisons notre raison, voyons quelles sont ses arguments, s’ils tiennent ou s’ils sont bidons ! »

Et CSL n’est pas le seul Chrétien dont la réception est quelque part bloqué par un « soyons raisonnables » qui veut dire rien que « ne choquons pas les athées » ou « ne nous soulevons pas contre la vérité officielle » (la laïcité en France prétendant par exemple souvent que le seule position totalement logique serait l’agnosticisme).

Hans-Georg Lundahl
Blanc-Mesnil
St Antonin, OP, évêque de Florence
10.V.2016

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