Thursday 25 February 2021

Le Déisme condamné avant le mot


Négativité salutaire · Le Déisme condamné avant le mot · J'ai noté en latin certaines de ces condemnations d'entre autre chose déisme · "si je parlais toutes les langues des anges ..."

Continuons EN LENGUA ROMANCE EN ANTIMODERNISM Y DE MIS CAMINACIONES : Collectio errorum in Anglia et Parisius Condempnatorum
qui sic per capitula distinguuntur, Capitulum VI
http://enfrancaissurantimodernism.blogspot.com/2012/01/collectio-errorum-in-anglia-et-parisius.html


Je prends les thèses de ce chapitre entre 11 et 25. Ma traduction est approximative, je fais des accomodations aux lecteurs qui n'ont pas de fondement dans la scholastique (la plupart), et j'ajoute des rappels que les thèses sont condamnées, et en ce faisant, j'explique comment la thèse opposée et non-condamné a pu se comprendre. Et devrait se comprendre, car les condemnations des 219 thèses n'ont pas été levées, contrairement aux soupçons que St. Thomas tomberait sous les condemnations. La méfiance personnelle de Tempier vis-à-vis St. Thomas a pris fin de la part du diocèse en 1325, il me semble, mais ces 219 décisions doctrinales, non. Beaucoup des choses ici condamnées seront reprises par le déisme. D'où le titre. Je ne garantis pas que ça ne va pas continuer dans la suite.

11 (36). Que, dans cette vie mortelle nous pouvons comprendre Dieu par Son Essence.

Pour la vie mortelle nous les Latins et les Grecs sont d'accord là-dessus. Par contre, pour nous, comprendre Dieu dans Son Essence est la vision béatifique, et donc accessible pour les bienheureux après la mort. Pour Palamas et les Grecs, même après la mort, ou encore la résurrection, on ne voit que les énergies incréées de Dieu, et celles-ci, on peut les voir par une grâce accordé par hésychasme déjà dans cette vie.

Bon, ceci d'énergies incréées, ça peut sembler un peu suspect de l'hérésie priscillianiste ... selon les condemnations du Premier Concile de Tolède.

Rien compris? Pas grave, c'était un à côté pour les érudits en théologie. Par contre, ce qui est directement visé, c'est, avant de mourir, on peut connaître Qui Dieu est, mais pas comprendre Quoi Il est.

Donc, nos définitions de Dieu ne sont pas comme des définitions que nous comprenons, par exemple du mouvement du sable compris par la géométrie des grains de sable et leur poids.

12 (38). Que Dieu ne pouvait pas avoir fait la matière primaire, sauf à travers un corps céleste.

Là, "matière primaire" fait partie de la cosmologie des scholastiques. C'est une matière totalement ambigue et indéterminé quant à ses qualités. Elle veut avoir une "forme", c'est à dire une détermination et univocité quant à ses qualités, mais ne peut pas se donner cette forme elle-même. Enfin, c'est autant proche que l'existence s'approche au rien.

Pour St. Thomas, ce n'est pas une chose qui existe, mais une puissance qui va avec ce qui existe. Dieu ne l'aurait pas créé, mais concréé. Peut-être que l'évêque aurait mal compris le terme, une nouveauté à l'époque en provenance d'Aristote, ou peut-être il vise une autre thèse, que la matière primaire serait créé avec l'aide des corps célestes.

Des matières primaires, dans notre sens du mot, étaient selon la pensée scientifique médiévale des modification des quatre élements, pas juste par leur mélange, mais aussi par l'influence des corps célestes. Vénus sur de la terre donne cuivre. Mars sur de la terre donne du fer. Vénus sur du fer donne de la magnétite naturelle. Quelques-uns pensaient que les matières primaires dans ce sens, et probablement d'autres que la matière primaire déjà décrite avaient besoin très stricte de leur propre cause secondaire, le corps céleste, pour arriver à exister.

Non, Dieu peut mettre en existence des choses sans leurs causes propres, sans les agents propres. Comme déjà évoqué pour l'homme que Dieu peut faire et à trois occasion a fait sans deux parents.

13 (39). Que d'une volonté ancienne rien de nouveau peut procéder sans qu'il y ait avant une transmutation.

La chose visée, c'est l'idée que:
  • d'un côté, Dieu ne change jamais Sa Volonté, Il est inchangeable;
  • de l'autre, Il fait des choses un moment donné et non avant.


L'idéologue rationnaliste a donc prétendu que Dieu étant inchangeable ne décide absolument rien mais que l'univers existe par Lui coéternel avec Lui, et les choses dedans existent par l'enchaînement nécessaire des causes, et donc que chaque chose dedans existe en fin de compte avec une nécessité égal avec l'existence de Dieu.

Or, Étienne II Tempier, évêque de Paris, a condamné ceci. Et toc!

14 (42). Que la première cause n'a pas la science des choses futures contingentes.

Première raison, parce que les futurs contingents ne sont pas d'êtres. Deuxième, parce que les futurs contingents sont particuliers; mais puisque Dieu comprend avec le pouvoir intellectif qui ne peut pas comprendre les particuliers. D'où, s'il n'y avait pas de sens, alors l'intellect ne distinguât entre Socrate et Platon, même s'il distinguât entre homme et âne. Troisième, l'ordre de la cause au causé: la préscience divine est cause nécessaire des chose présûs. Quatrième, l'ordre entre la science et le sû: quoique la science ne soit pas la cause du sû, du fait qu'il est sû, il est déterminé à l'une ou l'autre alternative, et ceci beaucoup plus avec la science divine qu'avec la nôtre.

Tout ceci est donc condamné par l'évêque, et je vais essayer de répondre aux raisons, comme l'aurait fait St. Thomas (selon ce que je connaîs de sa théologie et philosophie).

Oui, Dieu a science des choses futures contingentes. Étant audessus du temps, Il les connaît dans ce qui est pour nous le futur, et dedans elles sont déjà présentes, donc des êtres. Et Dieu connaît les choses particuliers sans avoir des sens. Et en Lui, cette science n'étant préscience, elle ne détermine pas les choses de manière qu'elles cessent d'être contingentes. Et si telle chose est telle, le fait que nous le sachions ne change pas qu'elle aurait pu être autrement, et en Dieu non plus.

15 (43). Que le premier principe (=la première cause, encore un mot pour Dieu) ne peut être la cause des faits divers ici-bas, sauf si d'autres causes interviennent, puisque nul transmuteur transmute de manière diverse à moins d'être transmuté.

Que vise le rationnaliste condamné?

L'eau mouille. Pour que l'eau chauffe plutôt, l'eau doit être chauffée, et pour que l'eau glâce, elle doit être glâcée. Donc, si Dieu Lui-Même ne change jamais, ça veut dire qu'Il ne peut pas faire des effets changeantes dans la créature non plus.

En dernière ligne, probablement l'athéisme deviendrait envisageable avec cet argument, car si Dieu n'agit jamais seul, mais toujours accompagné, et si la cause accompagnante est toujours la cause qui donne une explication spécifique, alors cette première cause pourrait être considérée comme superflue. Argument que St. Thomas doit affronter en Première partie de la Somme, question II, article 3, l'objection 2. Mais ici, l'idée n'est poussée qu'à la nécessité d'autres causes que Dieu Lui-même pour les choses que nous observons.

Non, ceci n'est pas la cas, notre évêque a condamné ça. Dieu transmute les choses, non pas en fonction d'être transmuté mais en fonction de ce qu'Il veut que les choses soient transmutées. Il s'en sert assez souvent des choses en fonction de leurs diversités ou transmutations, mais Il peut s'en passer aussi.

16 (44). Que d'un seul premier agent, il ne peut pas y avoir une multiplicité d'effets.

Comme le manque de variation chez Dieu devrait prouver qu'Il ne pourrait pas causer des effets variés, ainsi Son manque de multiplicité vis-à-vis l'univers créé prouverait que celui-ci ne pourrait être qu'une chose unique. Ceci devient éléatique ... et condamné par le bon évêque. Oui, Un seul Dieu peut créer et gerer dans Sa Providence une multitude de choses créées différentes.

17 (45). Que le premier principe n'est pas proprement dit cause des choses éternelles, à moins que ce soit métaphoriquement, puisqu'il les conservent, c'est à dire que, s'il n'était pas, elles ne seraient pas non plus.

Là, on sent une certaine tension avec ce que je vois chez St. Thomas, au moins selon le résumé de Chesterton : Dieu serait le créateur même si l'univers créé était éternel. Mais justement, la thèse condamné l'exclut d'être à proprement dire cause si l'effet était éternel.

Par contre, on peut très bien sentir que l'évêque vise toute création de l'éternité passé. Il veut qu'on accepte que les éternels créés sont éternels in aeternum, mais non pas ab aeterno, ont un début mais non une fin. Tout éternel créé. Et si St. Thomas ne le considère pas que ce va de soi en philosophie, il admet qu'on le peut savoir au moins par la théologie révélée.

18 (46). Que, comme de la matière rien ne peut se faire sans un agent, de même un agent ne peut pas faire quoi que ce soit sans matière ; et que Dieu n'est pas cause efficiente, sauf vis-à-vis ce qui a l'être en puissance de la matière.

19 (47). Que les êtres "declinent de l'ordre de la cause primaire" - dépendent de la cause primaire - en tant qu'elle est considéré en elle-même, quoique non dans leur ordre aux autres causes qui agissent dans l'univers. -Erreur parce que l'ordre des êtres à la cause primaire est plus essentiel et moins détachable que celui aux causes inférieures.

Ici, Tempier explique lui-même pourquoi c'est une erreur, le seul doute est si on traduit "in se considerata," comme "en tant qu'elle est considéré en elle-même" (la cause primaire, féminin singulier) ou comme "en tant qu'ils sont considérés en eux-mêmes" (les êtres, neutre pluriel). Dans les deux cas, Tempier vise l'idée que dans la pratique, les choses dépendent davantage des causes secondaires, des causes créées, que de la cause primaire et incréée qu'est Dieu, c'est ce qu'il condamne.

20 (48). Que Dieu ne peut pas être cause d'un nouveau fait, ni ne peut-Il produire quoi que ce soit que n'existât pas déjà.

On avait eu la raison, parce que Dieu est immuable et une volonté immuable ne pourrait pas produire la mutation des choses voulues, condamné par Tempier, ici la conséquence, Dieu ne peut pas causer (sauf à la limite les choses éternelles dans un univers éternel, si une dépendance éternelle qualifie comme causalité), Il ne peut pas causer un fait nouveau, et ceci aussi est condamné par Tempier.

Bien entendu, l'erreur nierait à la fois la création de Genèse 1 et les miracles historiques* dans la suite de la Bible.

21 (49). Que Dieu ne pourrait déplacer le ciel en motion rectiligne. Et la raison, parce qu'alors il laisserait un vacuum.

Le ciel, c'est donc tout l'univers au-dessus de la terre, pas que jusqu'aux astres, mais au-delà.

Le raisonnement est à peu près ceci : si Dieu déplace tout, alors il ne déplace rien, parce que la motion n'est motion par rapport à un quelconque objet. Ou alors, il le déplace par rapport à un espace vide, un vacuum, laissé en arrière. Et ceci Il ne pourrait non plus, parce que le vacuum n'existe pas.

C'est quelque part cette condemnation qui est à l'origine de l'idée Newtonienne de l'espace, comme un système de coordonnées sans rapport nécessaire à des corps.

Est-ce que Tempier dit donc que ce système de coordonnées en puissance vides existe? Ou est-ce qu'il dit juste que Dieu pourrait le créer q'il voulait (donc, ce système de coordonnées vides est un possible, comme l'est le monde de Narnia)? Il me semble que Tempier n'ait pas réfléchie sur la question outre mesure, il s'est contenté de condamner (bien entendu à raison) une limite imposée à la puissance de Dieu.

22 (50). Que Dieu ne peut pas déplacer de manière irrégulière, c'est à dire d'une autre maniière qu'Il déplace quelque chose, puisque, en Lui, il n'y a pas diversité de volonté.

Directement contre les miracles, par exemple les deux miracles du soleil (avec Josué, livre de Josué 10:12,13, et aux temps d'Isaïe et d'Ézéchias, IV livre des Rois 20:9-11).

Et bien entendu, Tempier défend les miracles, et la raison est donné par St. Thomas qu'une volonté immuable peut vouloir une chose changée dans son déroulement.

Bien entendu, celui qui déplace le Soleil et le reste du Ciel jusqu'aux astres en déplacement circulaire autour de la Terre chaque jour, c'est Dieu.

23 (51). Que Dieu est éternel en agissant et en déplaçant des choses, comme dans le fait d'être; sinon Il serait déterminé par autre choses, qui serait plus primaire que Lui / antérieur à Lui.

Condamné, il suffit que Dieu soit éternel dans le fait d'être, d'exister, et ainsi Il a pu débuter une action de création et de déplacement circulaire du Ciel (parfois irrégulière, voir Josué et IV Rois).

24 (52). Que ce qui est déterminé par soi-même, comme Dieu, soit agit toujours, soit n'agit jamais; et que beaucoup de choses sont éternelles.

Condamné.

25 (53). Que c'est nécessaire que Dieu fasse quoique ce soit qui est fait immédiatement par Lui. -Erreur qu'il s'agisse de la nécessité de coaction, qui ôte la liberté, ou qu'il s'agisse de la nécessité d'immuabilité qui pose l'impossibilité de faire autrement.

Il n'a donc pas condamné qu'il soit nécessaire par la nécessité logique (si Dieu fait A, il est impossible qu'en même temps il ne fasse pas A) ou qu'il soit nécessaire par la nécessité morale, par rapport à Sa sainteté infinie. Mais ces nécessités-ci n'ôtent pas la liberté, ni la possibilité de varier l'effet.

Hans Georg Lundahl
Paris
Sainte Walpurge
25.II.2021

In monasterio Heidenhemii, dioecesis Eystettensis, in Germania, sanctae Walburgae Virginis, quae fuit filia sancti Richardi, Anglorum Regis, et soror sancti Willebaldi, Eystettensis Episcopi.

PS, je viens de mettre les citations de Tempier, traduites en français, en cursive./HGL

* Si je ne dis pas directement historiques les jours de la création, c'est par manque d'observateurs humains. En tant que cinq jours et quelques heures du sixième sont la préhistoire avant les observateurs humains. Cette préhistoire est par contre "historique" dans un autre sens, c'est quelque chose qui s'est passé dans le passé à un moment donné. Dans The Catholic Idea of a University, John Henry Cardinal Newman distingue dans un des essais six sens du mot histoire, et donc aussi du mot adjectif associé, historique. Dans un sens, l'Antéchrist futur (ou qui l'était dans son temps) est aussi historique que Néron, nous avons une connaissance sure des deux (quoique celle de l'Antéchrist est limité à des détails), dans un autre non, parce que le règne de Néron est dans le passé et connu par observateurs humains.

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