Saturday, 27 July 2024

L'enfance n'est pas un mal dont il faut guérir, juste une incomplétude dont il faut grandir


L'enfance n'est pas un mal dont il faut guérir, juste une incomplétude dont il faut grandir · C'est quoi réalisme ? Est-il souhaitable ?

Contre Thomas Boussion, dont le propos en Rivarol 3624 :

L’enfance est notre premier rapport au monde, et elle ne disparaît jamais entièrement. Toute notre vie, nous luttons contre les réflexes infantiles qui menacent en permanence de reprendre la main sur notre volonté. La civilisation consiste justement à compenser cette pente naturelle en mettant en place des structures collectives capables de nous obliger à sortir de l’enfance.


Époustouflant !

Première phrase, je me sentais très d'accord.

Mais la suite. Un enfant de 5 ou 6 (mon âge quand j'accompagnai une seule fois mon grand-père aux courses hippiques, on vivait pas trop loin, une demi-heure de promenade pour mes jambes plus adultes, comme j'ai constaté après), à condition d'être baptisé, ce n'est pas le péché originel ! Grandir, ce n'est pas le baptême !

D'où ce corrollaire : grandir ce n'est pas de défaire ce que l'enfance faisait, mais de mieux faire ce qu'elle échouait à faire. Ce n'est pas la présence d'une réflexe infantile, mais l'absence d'une réflexion mûre qui est un défaut chez l'adulte. Et la réflexion ne perd pas le titre de mûre parce qu'on y trouve une réflexe infantile.

Grandir, comme le disait Tolkien, n'est pas simplement échanger certains plaisirs ou goûts par d'autres, c'est d'ajouter aux plaisirs et aux goûts qu'on a (qu'il peut à tout âge y avoir des goûts malsains, c'est autre chose). Comme l'arbre grandissant garde ce qu'il avait, et ajoute chaque an encore une couche.

Sans grande surprise, Boussion se trompe aussi sur la civilisation, voici qu'il parle de son ennemi Le Capital, et de ce qu'il détruit :

Ce faisant, elle brise les liens que les hommes, par le biais de la Tradition, avaient tissés entre eux, avec le ciel ou encore avec la terre, et qui leur permettaient de se hisser au-dessus de leur dimension matérielle et animale primitive.


L'état primitif de l'homme avant la civilisation n'est pas animal. La nature humaine valorise la tradition par et pour elle-même, qui rend la faveur. Le but de la bonne civilisation, de la bonne tradition, dont surtout la Tradition de l'Église, n'est pas de nous hisser au-dessus de notre condition primitive, mais plutôt de renouer avec celle-ci.

D'où le fait, que la pente naturelle est à deux faces, selon ce qu'il s'agit de notre nature telle que créée par Dieu ou telle que défaite par le péché originel, ce n'est qu'une de ces côtés que la Grâce (et son allié, la Tradition) doivent contrecarrer. L'autre, elle doit au contraire aider !

Je pense, hélas, que Thomas Boussion prend ses répères pour "enfant—adulte" ou "nature—civilisation" de l'arsenal maçonnique de la IIIe République. Ceci permet pas mal d'abus dans l'aval, par exemple de la fille de 12 qui, empêchée de se marier, se sente quand même grande par le fait de griller une clope ou pire par celui de s'évader derrière des endroits peu fréquentés pour échanger d'étreintes ... avec quelqu'un qui n'est pas son mari. Par exemple d'imaginer que telle autre fille grandit par le fait de décider de devenir garçon. Ou les avortements forcés en Chine pour contrecarrer "la pente naturelle" d'un couple d'avoir plus qu'un enfant.

À part le péché, qui n'est jamais dans cette vie la totalité d'une personne (C. S. Lewis a expliqué l'éternité de l'Enfer avec la mutation d'un homme qui par exemple gère son blasphème ou simplement son acariâtreté comme rapport à Dieu ou au monde, en un blasphème ou acariâtreté qui gère les pauvres restes d'une âme humaine), on ne commence pas avec le mal. Si on se convertit au bien par le fait de se convertir de son péché, ce n'est jamais de la totalité de sa personne. Donc, grandir, c'est autre chose que les efforts de se convertir. Se priver d'un chocolat le vendredi perdrait son sens dès qu'on avait perdu le goût du chocolat. Se priver de viande le vendredi, pas totalement, ce n'est pas juste question des goûts, mais du fait que la viande entretient la testostérone, dont les effets sont une des aires spécialement sensibles au péché. Donc, se priver d'un chocolat le vendredi ne doit pas avoir pour but de perdre le goût du chocolat, pour infantil qu'il soit.

Mais Boussion ne semble pas d'accord que ceci soit le principe principal (il peut très bien être d'accord sur l'exemple du chocolat et de la viande, par rapport aux vendredis).

Dans le domaine intellectuel, grandir n'est pas désapprendre les croyances de l'enfance (qui ne sont pas erronnées par le fait de l'être), mais de gagners des croyances (savoirs sûrs ou estimations probables) qu'on ignorait en enfance. Et de préciser ceux qu'on avait à l'époque.

Hans Georg Lundahl
Paris
St. Pantaléon de Nicomédie
27.VII.2024

Nicomediae passio sancti Pantaleonis medici, qui, pro fide Christi, a Maximiano Imperatore tentus, et equulei poena ac lampadarum exustione afflictus, sed inter haec, Domino sibi apparente, refrigeratus, gladii tandem ictu martyrium consummavit.

PS, en me livrant sans retenu à un goût de mon enfance, le saint du jour a donné le nom au vêtement qu'on appelle "pantalons" (et dans l'argotique américain, un peu francisé "pants"), à travers une figure de la Commedia dell'Arte. Pantalone porte son nom et porte le vêtement./HGL

PPS, dans la crise de Covid-19, on a pu voir de l'infantilisation réelle, mais bien entendu sous couvert d'une civilisation qui "mûrit" ... par "responsabilité" et par "compassion" ... la dernière chose à laquelle la gestion doit sa malfaisance est "les réflexes infantiles" ... par contre, la gestion a pu attarder la maturation des enfants réels, à travers les masques./HGL

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