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Mais avant d'aller sur le préjugé que Catholiques ou Évangélistes seraient des "groupes de haine" (comme les nomme parfois Southern Poverty Law Center), allons sur le préjugé qu'ils soient ignorants.
Jacques Attali en 2000 se fit publier dans Le Monde* :
Jacques ATTALI, Réhabiliter Giordano Bruno
Le monde du 17 février 2000
http://www.litt-and-co.org/citations_SH/a-f_SH/attali_giordano_bruno.htm
L'Eglise est alors en pleine effervescence ; elle torture, brûle et décapite clercs et laïcs au moindre soupçon de scepticisme, réformisme, athéisme, magie ou judaïsme secret. Le pape fait brûler des milliers de livres dont il interdit la copie et l'impression. L'élection, en 1541, d'Ignace de Loyola comme préposé général de la Compagnie de Jésus donne à la Contre-Réforme les armes intellectuelles qui lui faisaient défaut, face à la redoutable attaque de Luther et de Calvin. La seule question que les philosophes sont autorisés à se poser - et encore, dans des limites très étroites - est celle du salut. Et comme la nature est censée se conformer aux Saintes Ecritures, la seule science tolérée est la théologie. En particulier, personne n'a le droit de remettre en cause la description de l'Univers que certains croient avoir lue dans la Bible : la Terre est un disque placé au centre d'une sphère céleste sur laquelle tourne le Soleil et où sont fichées la Lune et les étoiles. L'homme, unique créature de Dieu, est au centre de la création. Sont condamnées comme « activités magiques » toutes les pratiques qui formeront bientôt les bases de la science : l'organisation du savoir, la méthode expérimentale, la transformation de la matière.
Il y a un site nommé TV Tropes - il s'agit d'un liste de tropes, de trucs qui marchent, que ce soit sur le petit écran** ou dans d'autre média populaires et narratifs. Un des tropes s'appelle "artistic licence : history" mais autrefois, "you fail history forever" ... ce qui résume mes vues sur Jacques Attali.
elle torture, brûle et décapite clercs et laïcs
Décapitation se pratiquait quand dans l'Inquisition ?
au moindre soupçon de scepticisme, réformisme, athéisme, magie ou judaïsme secret
Genre, aucune chance de se rétablir vis-à-vis l'Église, d'abjurer une erreur ?
Dans les faits, c'était assez facile d'avouer l'occasion d'un malentendu et de s'innocenter - avec quelques questions déconfortables à répondre, parfois. Et si on n'avait pas trop enfoncé ses convictions dans l'hérésie, abjurer pour le futur était aussi une option. Elle pouvait demander une pénitence publique, mais ceci est évidemment autre chose que le sort de Giordano Bruno. C'est vrai qu'il n'aurait pas été brûlé en France actuelle, mais ce n'est pas vrai qu'il n'aurait pas été brûlé dans une société "moins fanatique" et catholique - la société catholique de son époque était largément moins fanatique que ce que décrit Attali.
Le pape fait brûler des milliers de livres dont il interdit la copie et l'impression.
Génuine. Pour une fois.
L'élection, en 1541, d'Ignace de Loyola comme préposé général de la Compagnie de Jésus donne à la Contre-Réforme les armes intellectuelles qui lui faisaient défaut, face à la redoutable attaque de Luther et de Calvin.
Non. Ignace donne une bonne pulsion morale, mais quant à l'intellectuel, il y avait suffisamment pour démontrer la fausseté des propos de Luther et Calvin. Ils faisaient des ravages par populisme, dans une sphère restreinte géographique, mais leurs arguments n'étaient pas très bien pensés.
La seule question que les philosophes sont autorisés à se poser - et encore, dans des limites très étroites - est celle du salut.
Est-ce qu'Attali souffrait d'une fièvre de 40° ?
Charles de Bovelles, Étienne de La Boétie, Marie Le Gendre, Jacques Lefèvre d'Étaples, Guillaume de La Perrière avaient d'autres questions.
Muretus était (au moins à la fin de sa vie) Catholique. Ceux qui l'avaient accusé de ne pas l'être étaient des autorités civiles de la France, pas d'autorités de l'Église. Les choses qui l'avaient devant certains incriminés, c'étaient plutôt des trucs rhétoriques.
Judah Leon and Samuel Abravanel n'avaient pas de problèmes devant l'Inquisition.
Les Achillini non plus, comme non plus Scipione Ammirato. Giovanni Camilla n'est pas fameux pour des problèmes avec St. Robert Bellarmin, mais par contre pour encyclopédisme - avant la lettre et hormis les renseignements frelatés de Diderot et compagnie.
Cesare Cremonini avait la réputation de ne pas être Chrétien, parmis certains. Or, il ne semble pas avoir des problèmes avec l'Inquisition.
Marcantonius Majoragio commentait Cicéron et Platon dans un sens chrétien. Vu les deux auteurs qu'il commentait, il ne devait pas être préoccupé uniquement avec le salut.
Fabrizio Mordente apporta une solution bien connu à des problèmes réels, le premier compas de proportion.
Alessandro Piccolomini semble avoir été un astronome au moins égal, sinon supérieur à Bruno.
Giulio Sirenio serait-il le seul philosophe hormis Bruno que connut Attali ? Un de ses livres s'occupe effectivement du salut.
De praedestinatione compendium, libellulis duobus distinctum. In uno, de praedestinatione in altero, de reprobatione agitur. Auctore R.P.F. Iulio Syrenio, Brixiano
Agostino Steuco était perennialiste, beaucoup plus catholique que Guénon.
Francesco de Vieri encoura rien de plus grave que des critiques par ses collègues.
Jacopo Zabarella en commentant l'Organon, la logique d'Aristote, ne se tenait pas qu'aux commentateurs médiévaux, genre St. Thomas d'Aquin, mais aussi à d'autres, récemment découverts pour le public occidental de la Renaissance - genre Philopone. Célèbre pour avoir fustigé l'hyperfondamentalisme de l'Indicopleuste - un navigateur qui à différence de Magellan n'avait pas fait le tour du monde et qui donc concluait contre la rondeur de la terre.
Et comme la nature est censée se conformer aux Saintes Ecritures, la seule science tolérée est la théologie.
Désolé pour la logique de cet homme. C'est une grande différence de vouloir que toute science naturelle soit conforme à la théologie, ambition effectivement là, et de vouloir supprimer toute autre science que la seule théologie, comme quasi superflue. Il y a une grande différence entre vouloir supprimer un propos pas contenu dans la théologie et un propos qui contredit un propos de la théologie. Attali, a-t-il écrit ceci sous influence ?
En particulier, personne n'a le droit de remettre en cause la description de l'Univers que certains croient avoir lue dans la Bible :
Plutôt qu'on avait lu. Si Galilée ou Bruno avaient pu argumenter que le géocentrisme n'était pas dans la Bible, on leur aurait donné raison dessus. Galilée semble avoir essayé ça la première fois, face à St. Robert Bellarmin (qui avant avait été le juge de Bruno), et le juge pouvait donner des raisons pourquoi la lecture de Galilée sur Josué X ne tenait pas la route.
la Terre est un disque placé au centre d'une sphère céleste sur laquelle tourne le Soleil et où sont fichées la Lune et les étoiles.
A-t-on essayé de mettre Attali dans l'asyle après ça ? Il bavardait sur des choses comme la vision du monde des Catholiques du XVIe siècle comme si cette vision du monde était inconnu et devait se déduire de réconstructions de la vision du monde qu'on fait pour l'âge de Bronze et pour les auteurs bibliques. Pas seulement qu'on n'a pas pu vérifier que Josué tenait la terre pour plate ou les astres commes collés à une sphère solide, mais on peut très bien vérifier que St. Robert Bellarmin et compagnie ne tenaient pas ça pour le sentiment de Josué.
Attali, a-t-il consulté une planche ouija ou est-il allé à une lectrice de cartes pour arriver à cette conclusion ? Notons : que les Catholiques du XVIe siècle pensaient ceci ?
St. Robert Bellarmin n'a pas partagé l'opinion de l'Indicopleuste, mais celle de Philopon.
L'homme, unique créature de Dieu, est au centre de la création.
L'homme a certainement une unicité parmis les créatures corporelles. Mais pas en tant que créature de Dieu. Non, en tant que créé à l'image de son créateur. Ceci, pour encore une fois, est presque génuine.
Sont condamnées comme « activités magiques » toutes les pratiques qui formeront bientôt les bases de la science : l'organisation du savoir, la méthode expérimentale, la transformation de la matière.
Et si, au lieu de parler de fièvre, de substance, de diagnose occasionnant enferméments, on se limitait à une explication beaucoup plus probable ?
Attali se trouve dans une groupuscule qui a collectivement un Dunning Kruger à propos l'histoire ? Ou il se trouvait, mais il ne semble pas avoir pris d'efforts pour faire effacer sa bavure de l'an 2000, quoiqu'il y a eu 23 années et quelques mois à sa disposition. Donc, il s'y trouve probablement encore.***
Or, les gens qui s'adonnent à ce genre d'ignorance aiment parfois trop de taxer par exemple les Pentecôtestes ou les Catholiques (surtout du passé, pour ne pas se mettre les sectaires de Vatican II sur le dos) d'ignorants.
[à suivre]
* Le site que je cite n'est pas un article de ce journal. ** Non interactif, c'est à dire la télé. *** Quelques candidats pour la catégorie, d'après les catégories de la wikipédie angloophone qui renvoient à lui :
Eureka ? Hommes d'Algers ? Citoyens français d'origine algéro-judaïque ? Sépharades français du XXe siècle ? Économistes français ? Alumni de Janson-de-Sailly, de l'école polytechnique, des mines, des Sci-Po, de l'ENA, de Paris-Dauphine ? Membres du Conseil d'État ou de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (le président de la BERD ne va pas trop se démarquer des autres banquiers) ? Transhumanistes français ? Membres de l'Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique ?
Avancez à :
ReplyDeletePréjugé d'ignorance, partie II