Monday 14 August 2023

Préjugé d'ignorance, partie II


gm b1 lou : Imaginons qu'un Bouddhiste allait décrire la révolte Mahdiste · J'ai revisité Caryl Férey ce matin · New blog on the kid : L'avortement et la contraception mauvais, à part la dignité humaine et de notre sexualité, créée pour procréation ? · Préjugés contre Catholiques et contre Évangélistes · Préjugé d'ignorance, partie I · Préjugé d'ignorance, partie II · Et le préjugé de la haine, alors ?

Pas mal de la société, hélas, suit les préjugés des gens comme Attali (quelle que soit la catégorie la plus apte pour "les gens comme").

Attali imagine peut-être qu'il est qualifié parce qu'il est allé à l'ENA - ou parce que sa famille sépharade cultivait une rancune à l'Inquisition espagnole qui obnubilait le jugement. Je ne sais pas exactement lequel des deux.

Je vais parler des gens qui imaginent être qualifié parce qu'ils sont allés à l'école.

D'abord, peut-être, pourquoi je me considère qualifié moi-même ...

  • les études sur la fac de latin ont compris un projet sur la Renaissance (je me suis informé bien au-delà du projet lui-même)
  • les écrits apologétiques de Dalès et associés, autrement parlé, Dictionnaire apologétique de la foi catholique, accessé assez souvent dans la Bibliothèque universitaire de Lund (je ne suis pas sûr si c'était la quatrième édition que je regarde sur gallica ou une autre)
  • la question n'était nullement inconnu il y a 20 ans (l'article d'Attali est d'il y a 23 ans) et j'ai dû m'informer en ligne (y compris, pas limité à, la wikipédie)
  • les informations que je cueille collent assez bien avec ce que j'ai répéré en tant qu'étudiant de latin scruteur de livres sur la culture latinophone de la renaissance (et du baroque).


Revenons donc à l'homme qui se sent qualifié parce qu'il est allé à l'école. Il va soutenir que l'Évangéliste est ignorant pour le fait de ne pas croire les millions d'années, et que le Catholique, dans le cas qu'il ne les croient pas non plus et audelà de ça soutient l'Église sur le procès Galilée, en étant géocentrique (mais pas platiste !) est ignorant.

Regardons donc un livre d'astronomie qui soutient que la Terre tourne et qui est absolument à la portée de pas mal de des gens qui se sont qualifiés de juger les Évangélistes ou Catholiques (de cette description) ignorants.

L'Astronomie : Tout ce qu'on sait et comment on le sait
Cartonné – 10 mars 2002 de [Pierre Cruzalèbes, Michel Froeschlé, Patrick de Laverny, Yves Rabbia]
https://www.amazon.fr/LAstronomie-Tout-quon-sait-comment/dp/2732428310#books-entity-teaser


Je note pour quel tranche d'âge : Âge de lecture, 6 - 8 ans.

À cette époque là, j'étais un consommateur assez acritique d'informations ... si la source était approuvée par des figures parentales. Pas encore Chrétien, sauf la fin de mes 8 ans, presque 9.

Or, le titre est exaggéré. "Tout ce qu'on sait" - vrai d'un point de vue des astronomes héliocentriques, d'accord. Mais "et comment on le sait" - là, ils bluffent.

Ils prêchent du matérialisme sans de l'avouer.

D'abord, ils auraient pu préférer de titrer "depuis quand on le sait" ... parce qu'ils donnent réellement une "histoire des découvertes" - chose sans doute valable comme preuve dans le cas des découvertes géographiques qui peuvent être vérifiées par voyages ou découvertes techniques qui peuvent être vérifiées par usages. Déjà dans une découverte archéologique, il peut y avoir des disputes, malgré une unité de tous bords comment la découverte était faite. Genre pour les mur de Jéricho - est-ce que Kenyon a prouvé ou non que la ville qu'on a découvert était trop tôt ou non ? Est-ce que la formation sur Durupinar est l'arche de Noé ou non ? Item pour les découvertes invérifiables par leur distance - ou abstraction.

[Page 24.] En 1687, Isaac Newton énonce la loi qui va expliquer tous les mouvements des astres que l'on peut observer : tous les corps s'attirent entre eux selon la distance qui les sépare. « Tous les corps », cela veut dire « tout ce qui existe ». Voilà pourquoi on parle d'attraction universelle.


Deux de ces énoncés sont contestables ou directement rejetables d'un point de vue non matérialiste.

"« Tous les corps », cela veut dire « tout ce qui existe »" = les choses non corporelles n'existent pas, mais sont soit épiphénomènes de la matière, des corps (l'âme humaine dans l'expérience quotidienne), soit inventions non valables (Dieu, dieux, esprits, l'âme humaine dans la dimension théologique). Bien sûr qu'il y a des choses non corporelles, c'est un préjugé matérialiste qu'ils offrent en guise d'information objective.

Ou encore "la loi qui va expliquer tous les mouvements des astres que l'on peut observer" = aucun mouvement observable des astres a une autre cause que, même concurrente à, celle-ci. Encore une fois, préjugé matérialiste. Et ce préjugé est la racine de l'acceptation presque universelle de l'héliocentrisme, parce que ce préjugé est véhiculé dans des livres comme celui-ci.

Car, ici-bas, dans le quotidien observable, il y a plein de mouvements qui ont d'autres causes que la loi d'attraction entre masses matérielles. Les mouvements de mes doigts sur le clavier, par exemple. C'est assez radical d'affirmer qu'un mouvement observé d'une astre (par le Ciel le jour ou par le zodiac, année ou lunaison ou autre, ou parallaxe ou ...) ne puisse avoir d'autre cause que des causes involontaires. Ça revient à postuler que les seuls esprits à influencer la matière sont les esprits humains, dont ces matérialistes nient justement la non-matérialité, et que le manque d'êtres biologiques à la taille d'une astre signifie le manque d'être doués de pensée et de volonté à même de les faire bouger.

Ce préjugé est, dans les analyses que j'ai fait avec mes adversaires athées, les seules preuves en fin de compte évoquées par eux. Les Chrétiens qui soutiennent l'héliocentrisme sont moins cohérents, même s'ils évitent cette erreur élémentaire.

Pages 14 à 17 sont assez correctes. Mais 18-19, il y a du fil à retordre. Le chapô de la paire de pages précise :

C'est en Grèce, plusieurs siècles avant J.-C. que des hommes ont pour la première fois décrit la Terre et l'Univers sans les expliquer par une action des dieux.


Si je ne connais pas d'exemple plus ancien de cette vision matérialiste, le propos donne l'impression que les astronomes (ou pareil) grecs qui suivent expliquent la Terre et l'Univers sans l'action des dieux. Au contraire, St. Thomas d'Aquin avait l'explication qu'il donnait de deux des noms mentionnés, Aristote et Ptolémée.

Nec est contra hanc rationem quod motores inferiorum orbium movent motum sempiternum, et tamen dicuntur moveri per accidens. Quia dicuntur moveri per accidens non ratione sui ipsorum, sed ratione suorum mobilium, quae sequuntur motum superioris orbis.

...

Secundum est, quod supponitur in praedictis demonstrationibus primum motum, scilicet corpus caeleste, esse motum ex se. Ex quo sequitur ipsum esse animatum. Quod a multis non conceditur.

Et ad hoc dicendum est quod, si primum movens non ponitur motum ex se, oportet quod moveatur immediate a penitus immobili. Unde etiam Aristoteles sub disiunctione hanc conclusionem inducit: quod scilicet oporteat vel statim devenire ad primum movens immobile separatum, vel ad movens seipsum, ex quo iterum devenitur ad movens primum immobile separatum.


Corpus Thomisticum : Summa contra Gentes : liber I a capite X ad caput XIII (caput XIII)
https://www.corpusthomisticum.org/scg1010.html


J'avais une mémoire d'avoir lu une explication plus complète dans ce passage, le chapitre XIII ... plus explicitement ce que j'explique, mais il reste ces traces au moins.

Je traduis :

Ce ne refute pas cette raison que les moteurs des orbes inférieurs font bouger un mouvement sempiterne, et quand même ils sont dits mus per accidens. Parce qu'ils sont dit mus per accidens pas à cause d'eux-mêmes, mais à cause de leurs objets mobiles qui suivent le mouvement d'un orbe supérieur.

...

Le second [argument] est, que dans les démonstrations prédits le "premier mu", c'est à dire le corps céleste, est mu par soi-même. De quoi suivrait qu'il serait animé. Ce que pas mal ne concèdent pas.

Et à ceci, il fait dire que, si le premier moteur ne soit pas posé comme mu par lui-même, il faudra qu'il soit mu immédiatement par quelque chose de totalement immobile. D'où le fait que même Aristote sous la disjonction arrive à cette conclusion : à savoir qu'il faut soit directement arriver à un premier moteur immobile séparé [de la matière], soit à quelque chose qui se fait bouger elle-même, de qui on arrive (encore une fois) à un premier moteur immobile et séparé [de la matière].


Aristote et saint Thomas croyaient donc que :

  • Dieu fait bouger le corps céleste
  • en dessous duquel des orbes (sphères) concentriques transmettent le mouvement journalier aux corps célestes inférieurs, dont les mouvents autres que cette suite étaient produit par "les moteurs des orbes inférieurs" = c'est à dire les anges.


Les choses qui paraissent surnaturels ne sont pas l'ajout de St. Thomas d'Aquin, dans ce texte il est soucieux à réduire la terminologie à ce qui était accessible à Aristote, donc sans la théologie Catholique.

Une partie de cette explication avait d'ailleurs été refuté un peu avant le procés de Galilée, voir peut-être celui de Bruno - que le mouvement journalier se transmet par des sphères solides (mais transparents) concentriques. Tychon Brahé avait observé un comète et prouvé que le phénomène ne se trouvait pas dans l'atmosphère mais passait entre les orbes des planètes.

Là, je sais que l'impression de matérialisme que donnent les auteurs à Aristote est fausse.

Non seulement cette fausse allégation est faite sur des astronomes qu'on approuve pour l'admiration, mais encore par là et par la phrase dans le chapô, l'impression est donnée que cette athéisme d'explication serait une vertu chez lui.

Pour l'astrophysique (qui n'est pas de tout coté une science d'observations), c'est kif-kif si le premier moteur est présenté comme "Dieu" ou comme "un premier moteur immobile et séparé [de la matière]" ou si les moteurs des orbes inférieurs sont présentés comme "anges" ou "dieux" ou "moteurs des orbes inférieurs" ... mais pour le lecteur non averti, la négation des "dieux" peut paraître du bon sens, vu que pas seulement l'athée mais aussi les Chrétiens nient l'existence de Zeus, Ares, Aphrodite, qui avaient les même noms que les planètes qu'ils étaient censés faier bouger, c'est à dire Jupiter, Mars, Vénus. Certes, nous ne nions, mais de ça il ne suit pas que nous nions que la planète Jupiter soit mu par un ange ! Au contraire, St. Thomas d'Aquin l'affirme.

Et pas mal de ce qu'on allègue pour prouver que la Terre bouge autour du Soleil dans un orbite (mais pas une sphère) concentrique avec Vénus et Mars et entre les deux, c'est par l'idée que les êtres surnaturels, quel que soit la théologie, sont absents, et que les seules causes sont "la loi d'attraction universelle" et ses conséquences. Le livre zappe sur le système de Tychon Brahé. Que Riccioli va expliquer à peu près de la même manière, moins les sphères concentriques solides. Riccioli est aussi absent du livre. Brahé est crédité pour les observations qu'il fournit à son disciple Kepler, héliocentrique, mais sa propre géométrie de l'univers - géocenrtique - est zappée.

C'est à dire, les enfants de notre culture ambiante sont assez tôt exposés à de la désinformation, que celle-ci était intentionelle ou non de la part des quatre auteurs. Mais ne sachant pas ce qui est accessible à un géocentrique, les masses attribuent à eux non une compréhension du mal-fondé, mais une absence d'exposition à ces arguments matérialistes que l'on véhicule dans ce livre.

Et de même, bien entendu, dans ce qui concerne la théorie de l'évolution (ou plus exactemen ascendance commune, d'ancêtre commun entre tout eucaryote, qu'il soit homme ou singe ou crabe ou banane).

Hans Georg Lundahl
Paris
Veille de l'Annonciation
14.VIII.2023

PS, le jour même : j'écoute une vidéo sur la question pourquoi la musique grecque (hormis Îles Ioniennes, genre Zorba the Greek) sonne orientale. Farya Faraji, à 9 minutes 37 secondes vient de dire que, le XIXe S. et le colonialisme :

  • constatait que la Grèce ancienne était l'origine de la civilisation occidentale, ce qui est vrai
  • mais exaggérait en imaginant la Grèce ancienne trop comme si elle était la civilisation occidentale elle-même, ce qui est faux.


Genre, si la Grèce a donné l'Énéide à Rome et donc à l'Occident, c'est également vrai, mais oublié par le XIXe S. qu'elle a donné sa musique aux Arabes et aux Persans. Elle a d'ailleurs donné Platon et Aristote aux deux. Farya Faraji parle ici de ces colonialistes occidentaux comme à l'origine de l'idée que la musique grecque devrait sonner comme musique occidentale, mais en effet elle pourrait très bien aussi être à l'origine de ce préjugé athée qu'Aristote était un Diderot avant la lettre, ce qu'il n'était évidemment pas. On exaggère le côté "Lumières" d'Aristote, comme les défenseurs du scholasticisme parfois exaggèrent le côté "Lumières" de St. Thomas d'Aquin. Et contrairement aux Lumières, la philosophie aristotélicienne et platonicienne n'était pas matérialiste. Si on veut du matérialisme dans le monde ancien, on va aux Stoïciens et aux Épicuréens - qui ne contribuaient rien à l'Astronomie./HGL

La vidéo de Farya, la voici:

Why Does Greek Music Sound Eastern? - And Why It's a Dumb Question
Farya Faraji - 8 juil. 2023
https://www.youtube.com/watch?v=8goAOiz7Zvs

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