Je n'ai pas lu son livre "Naissance de Dieu: La Bible et l'historien" moi-même, je connais des extraits ou résumés par Charles Saint-Prot, qui, lui, écrivit l'histoire de l’Irak des Sumériens à Saddam Hussein.
Or, ce que je connais à partir de cette source est ceci, je résume dans mes propres mots:
Les Hébreux auraient nomadisé en vivant de pillage et du troc, sous un Abraham peut-être réel ou peut-être pas, de l'Ur de Woolley en Palestine et les Hébreux finissent en se sédentarisant à titre d'immigrés en Égypte. Ils apprennent le monothéisme par Akhenaton, le gardent comme signe distinctif quand la réaction contre lui coïncide avec un nationalisme égyptien anti-immigré et donc aussi anti-hébreu, quittent l'Égypte et s'installent après un temps de nomadisme en Palestine.
Là ils arrivent parfaitement incultes et apprennent tout - sauf donc le monothéisme - des Cananéens. Ils ont une réussite éclatante avec Saül, David, et, première trace historique car archéologique, Salomon. Ils sont encore loin d'un monothéisme stricte, loin du Judaïsme. Leurs saints écritures n'existent pas encore.
Le royaume se divise et Israël est bouffé par Assyrie, mais Juda survit encore.
Par un renversement des fortunes quand les Égyptiens sont défaits totalement au moins en Palestine, Juda est anéanti et les Judéens déportés en Babylone. Là, ils apprennent de lire et écrire, d'abord en sumérien et akkadien et donc en cunéiforme, d'où leur familiarité avec les mythes babyloniens, ensuite, quand la Perse renverse Babylone, ils apprennent l'écriture alphabétique, l'araméen étant la langue officielle de l'Empire Perse (comme le sera le Slavon dans le Grand Duché Lithuanien, tandis que persan et lithuanien restent langues quasi minoritaires de l'élite régnante chez eux).
Alors, le Judaïsme prend forme, notamment grâce au Persan Néhémie qui est influencé par son origine zoroastrienne. C'est à cette époque si que la Torah prend forme avec la littérature basée en partie sur des traditions orales et en partie sur d'interprétation et détournement en faveur de l'idéologie monothéiste.
Ce serait - je ne suis pas sûr que ceci vienne de son livre ou d'un autre livre lu par Charles Saint-Prot - vers l'an 48 que St Paul fonde un Christianisme n'ayant quasi rien en commun avec celui de Jésus, mort 15 ans plus tôt, pour des buts universalistes. Et par encore un renversement politique, cette religion se trouvait en position favorisée par Constantin et le reste est histoire.
Bon, si ceci était vrai, les textes bibliques seraient des faux, des documents contrefaits, et le Christianisme avec le Judaïsme seraient des cultures purement humaines, vides de toute prétention proprement dite religieuse, sauf une purement subjective pour les communautés.
Jésus ne serait pas ressuscité, notre espoir serait vaine, nous serions les pires abjectes, les plus pitoyables dans le monde, selon l'estime de St Paul.
Que dire, donc, contre?
Bon, on peut constater d'abord, que ce que dit Bottéro est purement une reconstruction. Il n'y a pas une tradition comparable au Christianisme au moins depuis Constantin qui aurait observé la naissance du Judaïsme et ensuite le Christianisme de la manière que les Chrétiens ont pu observer la naissance de l'Islam. Il n'y a pas une telle source traditionnelle qui aurait pu fournir Bottéro de ses renseignements, il a reconstruit tout ceci (avec sans doute des prédécesseurs quand même assez récents) à partir de la tradition chrétienne et la tradition hébraïque (celle partagé entre Judaïsme et Christianisme, celle de l'Ancien Testament, avant Nouveau Testament vs Talmud) et à partir de ses propres incrédulités (et celles de ses prédécesseurs) envers cette tradition.
De ceci, on peut prendre comme bon principe d'apologétique de prioriser tradition avant reconstruction. Quand une réponse univoque à une question pertinente est accessible par une tradition soit pas contestée, soit pas sérieusement contestée (on reviendra à cette distinction), alors on peut croire la tradition, normalement.
Une restriction serait à faire sur les traditions païennes. On ne peut pas croire ce qu'elles disent sur la théologie.
Que dire de l'Odyssée? Ulysse a participé dans la Guerre de Troie, soit. Ulysse est retourné chez lui, soit. Il a vaincu des prétendants avec une aide mystérieuse, peut-être même surnaturelle, soit. Mais que cette aide mystérieuse et peut-être surnaturelle soit Pallas Athéna, fille de Zeus en fonction du Très Haut, née de sa tête toute adulte quand il avait mal à la tête, non, ça on n'avale pas. Et de la conférence sur l'Olympe en chant Odysseias α on retient juste que le destin d'Ulysse à retourner fut providentiel et qu'Homère avait une mauvaise identification des personnes derrière la Providence.
Car, la tradition qu'Ulysse était aidé par une déesse est sérieusement contestée par une autre tradition, la tradition hébraïque qui dit que les déesses, ça n'existe pas, au moins pas sur un pied de presque-égalité avec le Très Haut, et le Très Haut n'a pas fait amour à une Océanide appelée Métis, ni eu mal à la tête (sauf le couronnement d'épines, dans sa forme humaine, peut-être encore aussi des fois inconnues pendant l'enfance, je ne sais pas).
De l'autre part, la tradition hébraïque pourrait de ce point de vue sembler sérieusement contestée par les traditions païennes, notamment donc la théologie de l'Odyssée. Comment décider?
Pour ma part, la tradition hébraïque est unique en ayant la prétention de remonter à Adam et encore après ça de relier ce début tout premier de l'humanité avec le présent ou un moment historique relié au présent, par une généalogie complète. Mais quid de la tradition musulmane qui considère Mahomet comme 39e génération après Adam? Bon, il semble que la tradition islamique ait fait un raccourci, elle prétend aussi à une identité entre la sœur de Moïse et la Mère de Notre Seigneur ... un peu comme on peut voir les choses lointaines plus petites qu'elles ne sont.
Aussi, les traditions païennes qui donc peuvent être vraies dans leurs dimensions historiques, semblent ne pas avoir de théologie dont l'ancienneté peut se mesurer avec la tradition hébraïque.
Car les traditions celtiques, cananéennes, sumériennes, kémétistes (pas néo-kémétistes mais kémétistes tout court), gréco-romaines, odinistes ne survivent pas à nos jours.
Les traditions odinistes (encore une fois), islamiques, protestantes (!), japonaises (j'y reviendrais) ne sont pas primordiales. Et le bouddhisme et la jaïnisme pas non plus.
Les tradition animistes d'Afrique noire, d'Asie centrale ou du nord, des Lappons et des Esquimaux et Amérindiens, ainsi que des Maoris ou des Aborigènes d'Australie ne sont documentés que récemment.
La tradition chinoise semble avoir muté très sérieusement, la tradition hindoue aussi (védique et oupanichade, ce n'est pas la même chose ... bon, ils le prétendent, ce serait à prouver qu'il y a contradiction entre l'ancien et le plus récent).
La tradition japonaise, pour y revenir, ne commence pas avec la création du monde, juste de Japon - dans un monde qui existait déjà. L'empereur Jinmu est à toute évidence pas encore en Japon quand il naît. Et le shintoïsme a très peu à dire sur le monde avant Japon. Jinmu Tenno est postérieur au roi David, au roi Salomon. Il est même postérieur à Romulus, pendant le vivant et reigne de Numa Pompilius et d'Ézéchias.
Donc, la tradition hébraïque, avec les "branches" majeures christianisme et talmudisme, est unique.
À moins de prétendre à invalider toute tradition religieuse à partir d'un athéisme de principe, un athéisme ontologique, il convient de considérer la tradition hébreue (avec un doute encore en faveur de la tradition hindoue ... sauf qu'elle s'invalide par les Thagîs, pas condamnés par les autres adorateurs de Kâlî que je sache, et son écriture est postérieure à celle de l'Ancien Testament) comme ayant "porté la palme".
Ceci est donc la première réponse à Bottéro.
Ensuite, je regarde son livre sur Amazon, il y a un aperçu, et il prétend que "le 3 décembre 1872 [...] la Bible a perdu à jamais sa prérogative immémoriale d'être 'le plus ancien livre connu', 'un livre pas comme les autres', 'écrit ou dicté par Dieu en personne'. Ce jour-là, devant la débonnaire Society of Biblical Archaeology de lOndres, G. Smith, l'un des premiers assyriologues, lesquels, après cinquante années d'acharnement et de génie à déchiffrer l'écriture cunéiforme, commençaient à inventorier le trésor des tablettes sorties du sol de l'antique Mésopotamie, annonça une extraordinaire découverte qu'il venait d'y effectuer : il avait trouvé une histoire fort proche, même par les détails les plus significatifs, du récit biblique du Déluge, mais qui lui était antérieure et l'avait manifestement inspiré."
Là, j'ai des choses à dire. D'abord, en 1872 en Angleterre, la Bible avait perdu du terrain, sur le plan sociologique, dans la croyance de l'élite anglaise. Darwin se faisait noter. Donc, si une découverte prétendait déthroniser la Bible, elle était très certes bienvenue.
Ensuite, comment est-que G. Smith ait pu savoir que le récit en cunéiforme était antérieure à la Genèse? Ou encore à ses onze premiers chapitres? Il ne l'a pas pu savoir.
De nos époques, on date les plus vieilles tablettes cunéiformes des textes religieuses à environs 2000 avant Jésus-Christ. Or, ces datations sont en partie basées sur la couche archéologique (comme à Hissarlik Troie VII est audessus de Troie II et les deux ont leur caractéristiques qui les rendent identifiables, comme on ne se méprend pas qui est vêtu comme un médiéval et qui comme un mousquetaire de Louis XIII dans deux peintures. Mais en partie donc, cette couche archéologique devrait être datée par carbone 14. Donc, si le niveau de carbone 14 au temps de Moïse et de Josué était suffisamment bas, alors la date carbonique pour l'Exode ou la prise de Jéricho était antérieur à la date carbonique de 2000 avant Jésus-Christ, et donc, selon la tradition hébraïque encore existante, la Genèse est rédigée avant la première tablette, la plus ancienne tablette de par exemple Atrahasis ou Énouma Élich ou encore Gilgamesh. Donc, en absence d'une tradition intacte ou dont la chronologie est intacte et non pas à reconstituer, les textes sumériennes et akkadiennes ne peuvent pas prétendre être plus anciennes que la rédaction mosaïque de la Genèse, ni non plus que sa réception des traditions orales pré-abrahamiques des premiers onze chapitres de la Genèse, comme de la tradition peut-être déjà écrite des histoires entre Abraham et Joseph dans les chapitres 12 à 50 de la Genèse.
Ensuite, les créationnistes ont un autre argument pour que le Déluge soit celui de la Bible et non celui d'Atrahasis ou de certains passages de Gilgamesh : l'Arche de Noé est bel et bien fonctionnable, pas en navigation, mais parce qu'elle flottait et Dieu se chargeait de la naviguer par l'action des vagues, y compris peut-être des dunes gigantesques peut-être déjà un kilomètre au-dessus des anciens niveaux de la mer. Par contre, l'arche mésopotamienne était juste une exagération en taille d'un coracle qui à part les dimensions était identique au petits coracles utilisés sur l'Euphrate. Une exception notable:
"Selon les lignes 57 et 58 de la recension akkadien de la tablette XI de l'Épopée de Gilgamesh, la Magurgur (barge ou arche) de Ziusudra n'était ni un Guffa (en) (coracle) circulaire, ni un cube, mais un bâtiment de forme carrée. Plus précisément (ligne 57), il avait une superficie de un "iku" (environ 3 600 mètres2 ou 60 × 60 mètres) et la hauteur de ses murs était de vingt coudées chacun (10 mètres), et (ligne 58) le pont mesurait cent vingt coudées (environ 60 mètres) de chaque côté."
https://fr.wikipedia.org/wiki/Coracle#cite_note-2
Ah, presque comme la Bible, mais pas retenue par toutes les autres recensions.
Et ensuite, le poéme Gilgamech, comme j'ai pu constater, commence lui-même avec un aveu nostalgique, évocatif, poétique d'être écrit par un poète qui regardait l'histoire comme d'un passé très lointain:
In those days · in those ancient days
In those nights · in those ancient nights
In those years · in those far off years
Je les cite à partir d'une récitation sur youtube. La voici:
The Epic Of Gilgamesh In Sumerian
Peter Pringle
https://www.youtube.com/watch?v=QUcTsFe1PVs
Elle est belle, recommandée par motifs esthétiques, donc!
Ma citation et mon commentaire en anglais ici:
Creation vs. Evolution : What a Few Lines from Gilgamesh Epic Tell us of the Errors in Babylonian Theology
http://creavsevolu.blogspot.fr/2017/04/what-few-lines-from-gilgamesh-epic-tell.html
Donc, non, G. Smith avait des raisons insuffisantes de présenter les tablettes dont il disposait comme d'un texte antérieur à la Genèse.
Ce qui rend l'attitude de Bottéro insuffisamment argumentée.
Hans Georg Lundahl
BU de Nanterre
Sts martyrs de Rome :
Macaire, Rufin, Juste et Théophile
28.II.2018