Friday, 17 June 2022

Progrès - langue humaine - IEF


Le progrès selon Tantine · Progrès - langue humaine - IEF

Je vais vous dire que je n'étais pas totalement honnête hier. En disant "je ne veux pas dire les sons qu'elle attribuait aux chasseurs de mammouth" j'avais seulement mon Présent autre part que sur moi. Mais la note de désapprobation vis-à-vis reste quand même presque entière, non ?

Alors, je la cite, la Tantine :

L'Homme progresse.
Passées les périodes où il se promenait en peau de bête, avec une machoire prognathe, qui ne lui servait qu'à pousser quelques cris gutturaux, du genre "Aaahhh-greukuku" qui voulait dire : attention, voilà le mammouth ! il a poursuivi sa marche en avant, découvert les plaisirs de la cuisine, du bon vin, des vers, et les draps de soie.


Où commencer? Ah, le titre est déjà écrit, je suivrais le plan inverse !

Le même numéro, 10140 du samedi des quatretemps de Pentecôte, ou 11.VI.2022, Anne Isabeth fait un triste constat sur l'Instruction En Famille (IEF) depuis la réforme (ou déforme) législative récente. En présentant cette déforme, "loi contre le séparatisme" du 24 août dernier (20 ans depuis que je suis géocentrique, sur le jour), elle en présente un mobile :

Sous couvert d'empêcher certaines dérives ...


Lesquelles ? Bon, les dérives sectaires, bien entendu ! C'est tellement une obsession d'un certain type d'énarque, comme aussi de pas mal de docteurs (pas moins en psychiatrie, et Monsieur le Président est en famille avec un tel type) que de lutter contre les dérives sectaires !

Pourquoi n'en parle pas Anne Isabeth ? Je vais me risquer à reconstituer son mobile, ce qui est effectivement un risque : d'un côté, elle sait très bien que, a) il s'agit de "dérives sectaires" et "communautaires," et b) les concept seront tournés contre les Catholiques, contre des bons Catholiques. Et d'un autre côté, elle ne veut pas défendre par exemple Musulmans ou Pentecotistes en même temps que les Catholiques. Donc, elle préfère laisser le concept en soi intact, en ne pas le critiquant.

Pour rappel, la législation au moins récente de l'Union Européenne précise comme un droit d'éléver ses enfants dans ses propres convictions philosophiques et religieuses. Donc, devant cette législation, le concept de dérive sectaire est au moins douteux.

Mais pour retourner en France, ici comme en Angleterre, on fait un effort de faire taire le créationnisme :

UK Government petitioned over origins teaching in schools
Published: 12 October 2007 (GMT+10), by Jonathan Sarfati and David Catchpoole
https://creation.com/uk-government-petitioned-over-origins-teaching-in-schools


The attack on biblical creation in UK schools continues
by Phil Robinson, Published: 9 March 2014 (GMT+10)
https://creation.com/attack-on-creation-in-schools


Creation in independent schools : The UK government’s latest target
by Dominic Statham | First published in CMI-UK/Europe’s Update, August 2018
https://creation.com/creation-independent-schools


Pour un exemple en France, voyons l'attitude de la professeure de science que j'avais rencontrée : J'ai rencontré une prof de sciences · Je crois la rondeur de la Terre - à cause du consensus? ... non, à cause de la convergence d'observations !. Cette professeure a donc voulu que je comprenne l'évolutionnisme comme chose scientifique, à cause du consensus (ou presque) des scientifiques impliqués. Elle était mal informée sur les questions qu'un dialogue sérieux avec un créationniste pourrait demander en connaissances ou aborder comme arguments, mais elle était, à cause de ce consensus, persuadée que, l'évolution, quelle enseigne, c'est "les faits" et le créationnisme, ce que j'y opposait, c'est "la métaphysique et les croyances" comme si on pouvait couper les faits que ce soit de la métaphysique, que ce soit des croyances, fussent-elles correctes ou encore incorrectes. La France aussi combat, par l'Éducation nationale, le créationnisme.

Et il y a des publications, pourtant lues par des Catholiques traditionnels, qui ne le défendent pas. Et s'il vous plaît, ne pas traîner dans la question un procès d'intention contre un Catholique qui est créationniste, comme quoi il serait réellement un Protestant américain ! Je ne le suis pas, et pour le fait d'avoir été à peu près ça, je le sais très bien. En 1988, quand je fus reçu dans la version Vatican-II-iste du Catholicisme, on ne m'avait pas dit que le créationnisme (pour lequel j'étais connu) était une hérésie protestante, et quand les documents contre le fondamentalisme sortent en 1992 - 1994, j'étais déjà en train de me faire un fidèle de la FSSPX, et de ce côté là, on était (à l'époque) consterné de Rome pour ce point là. Dans Prêtre rejeté, le feu abbé Houghton trace l'évolutionnisme au Bouddhisme / Stoïcisme.

Comme exemple, Tantine venait d'imaginer qu'on serait descendus d'êtres qui "pousse[nt] quelques cris gutturaux, du genre 'Aaahhh-greukuku'" ... on devait consulter CEP, dans lequel Dominique Tassot évoque l'impossibilité de descente d'un être non doué de langue humaine, par le fait que, chaque nouvel humain doit apprendre une langue humaine dans un créneau d'âge très précis, et absolument trop jeune pour une créativité ciblée, ce qu'on entend par découvertes ou progrès.

Mais les êtres simiens ont quand même quelques systèmes de communication ? Oui, et ils n'organisent pas du façonnage d'outils pour chasser le mammouth ! Mais les systèmes de communication progressent ? Non plus. Entre le latin et le français, le changement est très sûr, et malgré un certain comte de Rivarol, c'est loin de sûr qu'il soit un progrès. Ou plutôt, c'est sûr qu'un progrès dans un sens est compensé dans une perte dans un autre. Entre le proto-indo-européen et le latin, le changement est hypothétique, quoique possible. Là aussi, on n'est pas autorisé d'imaginer qu'il y ait eu uniquement du progrès, malgré les idées dessus par Max Müller. Juste parce que notre réconstruction du proto-indo-européen manque la conjonction subordonnée "si," ça ne veut pas dire que les premiers indo-européens (à supposer qu'il y en avait) manquaient des subordonnées conditionnelles.

Tant qu'on est en train d'envisager une langue humaine en train de se développer d'une langue humaine, on est très loin de parler de progrès, globalement. Chaque langue sonore (ou dérivée de telle) humaine a des messages complets composés de morphèmes, ceux-ci réunissant une forme sonore avec un contenu souvent conceptuel, et chaque morphème est composé de phonèmes, des formes sonores archétypiques, non-graduelles*, dépourvues de contenu conceptuelle dans leur isolation. Le jour est beau = leujourébô = leu-jour + é + bô. Et bô = b + ô, dans cet ordre. Entre des cris d'animaux et ça, on aurait un progrès, si on avait un changement entre les deux. L'âne de Balaam et le serpent que prit Satan comme porteparole ont donc fait des progrès considérables en très peu de temps, et une chute tout aussi considérable juste après que des être angéliques les avaient utilisés pour parler à des hommes. Ceci documenté dans l'histoire biblique. Mais un progrès entre un prétendu "Aaahhh-greukuku" voulant dire "attention, voilà le mammouth" et un "attention, voila le mammouth" ou "look, the mammoth's there" voulant dire "attention, voilà le mammouth" - ce n'est ni documenté, ni fiablement réconstruit. Une réconstruction qui contredit l'histoire biblique est erronée, donc non fiable. Et celle-ci est impossible pour d'autres raisons aussi, comme noté à propos de l'apprentissage d'une langue humaine déjà telle à un certain âge bien avant les initiatives personnelles.

On n'est donc pas, mais du tout, dans un progrès global qui comporterait celui plus spécifique des cris gutturaux à une langue vraiment humaine. Le progrès a bel et bien ses limites. Non seulement dans son terminus a quo - mais dans son terminus ad quem également. Il y a une idéologie progressiste (populaire parmi des scientifiques et des techniciens) selon laquelle le progrès collectif serait illimité, , on accumulerait toujours davantage de progrès (bon, à moins d'avoir affaire avec certains rétrogrades). Il y a une autre idéologie (populaire parmi des nationalistes pas Chrétiens) selon laquelle le progrès serait illimité pour certains races, inaccessible ou peu accessible pour d'autres. Les deux idéologies se trompent. Ce serait idiot de prendre au pied de la lettre un terme comme "cerveau collectif" mais une chose est sure : une collectivité a une "capacité cérabrale collective" bien inférieure à la capacité cérébrale réelle et individuelle de chaqu'un qui la constitue. La "capacité cérabrale collective" étant donc limitée, un progrès dans un domaine s'accompagne d'un revers, d'une perte, dans un autre. Certes, il n'est pas devenu impossible d'apprendre le latin, mais la connaissance du latin n'est plus une des marques d'un homme éduqué, elle est beaucoup moins collective.

Comme le disait C. S. Lewis dans The Problem of Pain** avait hélas envisagé une "population édénique" plutôt que le couple édénique, mais une chose demeure citable dans cette vision, c'est à dire que cette population devait être "préhistorique" (si on ne tient pas compte du charactère historique de la Genèse) et donc devait avoir eu une technologie matérielle plus rudimentaire - pourraient-ils alors être spirituellement supérieurs à nous ? Si ! "Ceux qui faisaient la pire céramique" (ou pas de céramique de tout) "pouvaient avoir eu la meilleure des poësies, et on ne le saura jamais" (car une poësie orale d'il y a, disons, 40 000 ou 20 000 ans, serait certainement perdue).

Donc, la Tantine se trompe en présumant que le vers aurait été inventé après les chasseurs de mammouth, il semble en effet qu'il y ait deux passages très court en vers hébraïques dans les premiers onze chapitres de la Genèse, dans la bouche d'Adam et dans celle de Lamech le Caïnite : pour se réjouir de sa femme, et pour se réjouir de sa revanche sanguinaire. Et si je ne me trompe pas, les chasseurs de mammouth étaient après, entre le Déluge et Babel - il manquaient de la poterie, mais probablement pas la poësie, au moins pas ceux qui ont transmis les premiers chapitres à Abraham. La gastronomie devait avoir inventée déjà par Adam et Ève pour pallier à la perte d'Éden, par contre, le vin, c'était Noé.

Autre chose à tenir en tête : dans les arts factiles et actives, comme le note Tolkien dans On Fairy-Stories, le progrès est de moyens improuvés pour des buts détériorés. Et dans les arts de la pure connaissance, on doit compter sur, ce que C. S. Lewis posa comme rubrique d'un chapitre, je pense dans le livre English Literature in the Sixteenth Century Excluding Drama, mais je pourrais me tromper : "New Ignorance and New Learning," ou si c'était "New Learning and New Ignorance." De toute manière, c'était sa manière de décrire l'Humanisme de la Renaissance, mais il voyait des parallèles dans le phénomène pour son propre temps, qui est quelque part encore le nôtre.

Et une des pertes de connaissance qu'on vient de voire, c'est dans l'épistémologie. Plutôt que de prendre l'évolutionnisme (que ce soit de microbes devenant animaux*** ou de singes devenant des hommes°) pour un progrès dans les connaissances, il faudrait voir dans le fait qu'on le prenne pour tel, une perte dans l'épistémologie. Et une perte d'attention aux questions liées à la langue humaine aussi.

Hans Georg Lundahl
Paris
St. Antides de Besançon
évêque et martyr
17.VI.2022

PS, j'avais commencé d'écrire ceci hier, quand mes propos sur Tantine étaient effectivement "hier" - aujourd'hui ils sont d'avant-hier, bien entendu ! /HGL

* Certains endroits qui servent à faire des consonnent ont une délimitation entre eux, pas de gradualité possible, par contre, les voyelles, tout est, physiquement, graduel, mais les voyelles apperçues sont des archétypes de sonorités, il y a un certain espace autour de chaque son vraiment ciblé. Un "i" reste un "i" même décalé un peu vers le "é" et un "é" un peu vers le "i" - la délimitation étant différente pour le suédois et le français, d'ailleurs. Quand je prononce un "é" il y a des français qui entendent "i" ...
** Le chapitre 5, "The Fall of Man."
*** Selon Origin of the Species, par Darwin, et ouvrages plus récents.
° Selon The Descent of Man, par Darwin, ou The Origin of the Family, Private Property and the State, par Engels.

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