- ... l'héritière de la Russie kiévienne est la Russie ;
- la Russie débute donc en 882 ;
- et Anne de Kiev est un ancien lien entre la France est la Russie.
Donc, la Russie kiévienne serait une bonne analepse pour le temps des Romanov.
Ceci est parfaitement le point de vue d'un nationaliste russe, et c'est aussi le point de vue de Poutine.
Un nationaliste ukrainien ne va surtout pas être d'accord. Il va plutôt dire, et pas le moins s'il est Uniate plutôt qu'Orthodoxe :
- l'héritière de la Russie kiévienne est l'Ukraine ;
- l'Ukraine débute donc en 882 ;
- et Anne de Kiev est un ancien lien entre la France et l'Ukraine.
Imaginez que les séparatismes d'Écosse et d'Irlande poussent jusqu'à se joindre aux États-Unis. Imaginez que le Pays de Galle fasse suite. Imaginez que les États-Unis changent de nom et commence à s'appeler les États-Unis-Anglais. Par contre, Londre persiste sous son monarque.
Est-ce que dans ce cas, ce serait plutôt Londre ou Washington DC qui pouvait reclamer :
- le début en 1066 par la Conquête normande
- la Magna charta
- la victoire dans la Guerre de Sept Ans ?
Le cas pour l'Ukraine est en parallèle avec le cas pour Londre dans ce scénario fictif.
Les choses sont un peu compliquées par la religion orthodoxe russe.
Un jour déterminé, un évêque ou métropolite de Kiev s'enfuit des Tatars. Il fonde une succession à Souzdal. Et, contrairement à Kiev, Souzdal est effectivement un vrai début de ce qu'on appelle de nos jours la Russie. La Moscovie est une coalescence de trois pricipautés. Vladimir. Tver. Souzdal. Après de se libérer des Tatars, assez tard (beacoup plus tard que l'Ukraine rejoint la Lithuanie et par là la Pologne), cette Moscovie va se proclamer l'Empire ou царство de "toute la Russie" ou des "toutes les Russies" (j'oublie lequel) — sans de consulter l'Ukraine sur son accord, bien entendu.
Un peu comme parfois culturellement, mais heureusement pas en politique et diplomatie réelle, les États-Unis s'approprient Christophe Colomb (un sujet d'Espagne) et Richard Cœur de Lion (un roi d'Angleterre, pas encore unie ni à l'Écosse, ni à l'Irlande, ni au Pays de Galles).
Ou, c'est comme si le Québec et la Louisiane disputaient le droit à Paris de gouverner la France, puisque la France, c'est le berceau de la Louisiane, du Québec.
Malheureusement, dans le cas de la Moscovie, la prétention n'est pas restée une nostalgie culturelle, c'est un dogme politique. Prenons un peu de regards sur l'histoire de Kiev, après le règne de Saint Volodymyr :
Le déclin de la ville s'amorce peu après la mort de Iaroslav en 1054. Le système successoral de frère à frère engendre de longs et violents conflits entre oncles et neveux dont l'enjeu est la possession du trône de Kiev. En conséquence, ces conflits affaiblissent la ville et en font une proie, d'abord pour les princes russes de la Haute Volga. En 1169, Kiev succombe sous les coups du prince de Vladimir, André Ier Bogolioubski à la tête d'une coalition princière ; la ville est pillée et mise à sac.
Ah, bon ? Les ancêtres de nos Russes se démarquent à Kiev comme des pillards ?
Bogolioubski place son jeune frère, Gleb, à la tête de la ville qui perd sa suprématie politique, et en 1171 le titre de grand-prince attaché à ses dirigeants. C'est la fin de la Rus' de Kiev. Elle est absorbée par la Russie, qui devient une fédération de cités-États dispersées, liées par une langue, une religion, des traditions, des coutumes, et dirigée par les membres de la vaste maison riourikide généralement en guerre les uns contre les autres.
Donc, dans l'immédiat, la "capitale" s'est déplacé, un peu comme de Rheims à Paris ou Lyon à Paris ... ça favorise la perspective russe, non ?
Un nouveau sac de Kiev est perpétré en 1203 par Riourik Rostislavitch.
Cette fois, le pillard est nettement plutôt ukrainien. Riourik II est prince d'Ovroutch.
Ovroutch (en ukrainien et en russe : Овруч ; en polonais : Owrucz) est une ville ukrainienne de l'oblast de Jytomyr. Sa population s'élevait à 15 332 habitants en 2021.
Il rate une conquête de Novgorod (russe, mais nettement plus civilisé que la Moscovie).
Il est prince de Belgorod.
Belgorod se trouve au confluent du Donets qui s'écoule du nord au sud et de l'un de ses affluents de la rive droite la Vezelka, à 35 km de la frontière ukrainienne, à 72 km au nord-est de Kharkiv, en Ukraine, à 128 km au sud-sud-est de Koursk et à 578 km au sud de Moscou2.
À son décès, il est prince de Tchernigov. Ce qu'on appelle de nos jours Tchernihiv — c'est en Ukraine.
En fait, 1203 débute son quatrième "mandat" comme prince de Kiev. Il avait été prince de Kiev avant, en 1173, 1181 et entre 1194 et 1201. Il tiendra Kiev 1203 à 1204, et encore 1205 à 1206 et finalement 1207 à 1210. Vsevolod IV de Kiev, Ingwar de Kiev, ce sont d'Ukrainiens, selon le territoire. Vsevolod, prince de Tchernigov, pardon Tchernihiv, et de Belgorod. Ingwar, prince de Loutsk, dans l'Ouest de l'Ukraine actuelle.
Loutsk (en ukrainien : Луцьк ; en polonais : Łuck) est une ville d'Ukraine et la capitale administrative de l'oblast de Volhynie. Sa population s'élevait à 216 887 habitants en 2019. Loutsk est située sur la rivière Styr et se trouve à 367 km à l'ouest de Kiev. Elle accueille la base aérienne de Loutsk.
Le 6 décembre 1240, ce sont les Mongols de Batu Khan qui prennent la ville ou ce qu'il en restait.
C'est à cette occasion qu'un métropolite de Kiev se déplace à Souzdal, si je me souviens bien de ce que j'avais lu là-dessus, celui bien entendu dont les patriarches de Moscou se reclament.
La démarche immédiate est autant compréhensible que quand les trois derniers évêques de Genêve siègent à Annecy. Le successeur de St. François de Sales devient ensuite évêque d'Annecy.
Mais, dans le cas de Kiev et de Souzdal, les choses s'améliorent pour l'église à Kiev. Est-ce que les successeurs du réfugié à Souzdal peuvent toujours exercer la suprématie sur la Kiev qu'il avait quittée et donc aussi sur les évêques postérieurs de Kiev ? C'est ce que prétendent au moins les Patriarches de Moscou.
Notons, c'est arrivé à Kiev d'avoir double communion, à Rome et à Constantinople, mais jamais à Souzdal, toujours fidèle à Constantinople, contre Rome.
En 1362, Kiev est de nouveau prise, cette fois par le grand-duc de Lituanie Olgierd qui en fait un bien patrimonial pour son fils, Vladimir. De 1363 à 1667, Kiev fait partie de l'Union de Pologne-Lituanie, qui devient, par l'Union de Lublin en 1569, la république des Deux Nations. À la fin du xve siècle, Kiev adopte le droit de Magdebourg. Après l'union de Brest (1596), Kiev devient l'un des lieux majeurs de l'affrontement entre les églises catholiques orientales (uniates) et orthodoxes.
Notons, le droit de Magdebourg vient de Vilnius, que Ghédimin, père d'Olgierd, avait fondé avec d'immigrés de Magdebourg, pour apprendre aux Lituaniens comment faire "ville" ...
Encore une fois, un Ukrainien et un Russe vont voir 1362 très différamment. Pour l'un, c'est la libération de Kiev des Tatars, après 122 ans de domination tatare. Pour l'autre, la seule libération valable est celle de la Moscovie,
L'essor de la ville continue, bénéficiant des faveurs des grands-ducs de Vladimir, même après que la ville ait été brûlée en 1238 lors de l'invasion mongole de la Rus' de Kiev. En 1389, la principauté de Vladimir-Souzdal est annexée par la Grande-principauté de Moscou, et Souzdal perd progressivement en importance. Pendant la Guerre de Succession moscovite, elle est le théâtre de la bataille de Souzdal, où le Khanat de Kazan fait prisonnier le Grand-prince de Moscou Vassili II. La ville est à nouveau incendiée à la suite de la bataille.
Et pour la grand-principauté de Moscou, c'est ambigu jusqu'à l'époque d'Ivan III :
Ivan III (en russe : Иван III Васильевич), dit Ivan le Grand, né le 22 janvier 1440 et mort le 27 octobre 1505, est grand-prince de Vladimir et de Moscou de 1462 à 1505. Fils de Vassili II, il épouse Sophie Paléologue en 1472, qui lui apporte en dot le blason de l'Empire byzantin, l'Aigle à deux têtes. Il est le père de Vassili III (1479-1533), d'André de Staritsa (en) (1490-1533) et de Youri (1480-1533). Son règne est important, car il marque une étape cruciale de l'unification de l'État russe. C'est sur les marches de la cathédrale de la Dormition qu'Ivan III déchira le traité qui soumettait Moscou au pouvoir de la Horde d'or et déclara ainsi l'indépendance de la Russie.
Comment et quand ?
En 1480, le grand khan Ahmed décide de marcher sur Moscou. Ivan, qui a signé un traité d'aide mutuelle avec Mengli Giray, khan de Crimée, l'attend de pied ferme. Les deux armées prennent position sur l'Ougra et s'observent pendant plusieurs jours. Finalement, Ahmed préfère se retirer sans combattre. La dépendance de la Russie envers la Horde d'Or prend alors officiellement fin. Celle-ci sera anéantie en 1502 lors d'une guerre contre le khanat de Crimée. En 1487, Ivan lui-même s'était emparé du khanat de Kazan et avait placé à sa tête l'un de ses protégés.
Kiev sous les Tatars : 1240 jusqu'en 1362. 122 ans.
Moscou sous les Tatars : 1238 jusqu'en 1480. 242 ans. Presque le double.
Moscou est fondée sous Alexandre Nevski sous la principauté de son fils Daniel de Moscou. Les deux étaient tributaires des Tatares, et Alexandre les a préférés à l'Ordre teutonique. Donc, Moscou est fondée sous les Tatares. Des oppositions à ceux-ci existaient, comme pour les principautés roumaines vis-à-vis la Sublime Porte. Mais la soumission était aussi là, dans l'un cas comme dans l'autre.
Pour un Ukrainien, bien entendu, la Kiev de St. Volodymyr va être une bonne analepse avant la vie d'un Mazepa.
Hans Georg Lundahl
Paris
St. Marc, Évangéliste
et Litanies majeures
25.IV.2024
Romae Litaniae majores ad sanctum Petrum.
Alexandriae natalis beati Marci Evangelistae. Hic, discipulus et interpres Apostoli Petri, rogatus Romae a fratribus scripsit Evangelium, quo assumpto, perrexit in Aegyptum, primusque Alexandriae Christum annuntians, constituit Ecclesiam; ac postea, pro fide Christi tentus, funibus vinctus et per saxa raptatus, graviter afflictus est; deinde, reclusus in carcere, primo angelica visitatione confortatus est, et demum, ipso Domino sibi apparente, ad caelestia regna vocatus, octavo Neronis anno.
Citations ou référats de la wikipédie :
Kiev,
Loutsk,
Principauté de Tchernigov,
Ovroutch,
Belgorod,
Souzdal,
Grande-principauté de Moscou,
Moscou ;
Riourik II,
Vsevolod IV de Kiev,
Ingwar de Kiev,
Roman Mstislavitch,
Olgierd,
Ghédimin,
Ivan III,
Saint Daniel de Moscou