Thursday, 7 March 2019

Un essai sur l'essai comme forme de litérature


Le suivant s'applique à des prêcheurs:

"Much less is there any room for the pulpiteers of today who like to exegete the latest movies, or preach on moral lessons drawn from television sitcoms, or build their sermons on themes borrowed from popular culture. You know what I mean: the kind of preachers who insist they are being "missional" when they are merely being worldly."


Pyromaniacs : The Antidote to Contemporary Evangelicalism's Addiction to Novelty
by Phil Johnson | 13 February 2012
http://teampyro.blogspot.com/2012/02/antidote-to-contemporary.html


Traduit à peu près : Encore davantage déplacés sont ces gens de nos jours qui, débout dans la chaire, aiment faire l'exégèse des derniers films ou prêcher les leçons morales tirés des sitcoms télévisées ou rédiger leurs prêches sur des thèmes empruntés à la culture populaire. Vous savez ce que je veux dire : le genre de prêcheur qui se réclame en insistant en "bon missionnaire" quand il est simplement mondain.

Et pourtant, C. S. Lewis et J. R. R. Tolkien ont fait pas mal de convertis, non? Ainsi que Chesterton? Eh oui, mais, ces trois étaient des laïcs, pas du clergé.

D'où l'observation qu'il l'ont fait en utilisant leurs occasions en soi mondaines, comme romanciers, comme académiques de lettres impliqués dans le Moyen âge et pas moins pour C. S. Lewis, comme essayiste, item pour Chesterton, et certaines des Lettres de Tolkien font presque l'affaire pour un Tolkien essayiste autrement presque perdu. Grosso modo, on peut qualifier les trois comme essayistes, ainsi qu'un quatrième, Hilaire Belloc (de double nationalité anglo-française, d'ailleurs).

Quel est le bon mot pour un "essay" comme l'appellent les Anglais?

Un traducteur professionnel vient de me dire:

Pour rendre essay, vous pouvez soit parler d'écrit, de rédaction ou de dissertation (en fonction du type d'essay) voire mieux encore utiliser des formes verbales (disserter, écrire ...).

En effet, plus personne ou presque n'écrit d'essai en français, si ce n'est quelques philosophes de haut niveau. Il faut comprendre "essai" comme "traité".


Un roman et un poëme est aussi un écrit, donc ce mot est trop vaste. Essayons (!) les autres ...

"Daddy, I can't wash dishes, I haven't made my essay yet"
- "Papa, je ne peux pas faire la vaisselle, je serais en retard pour la rédaction."

"Unfortunately, your essay is considered academic plagiarism, since you didn't cite the Linguist Trubetskoy you borrowed your idea on Indo-European from."
- "Malheureusement, votre dissertation est considéré comme du plagiat académique, puisque vous ne venez pas de citer le linguiste Troubetskoï duquel vous avez votre idée sur l'Indo-Européen."

Une rédaction pour l'école est souvent moins qu'un essai, car il reflète souvent moins ce que l'écrivain trouvait apte à dire sur un sujet qui l'intéressait que ça ne reflète ce qu'il trouvait le moins inepte à dire sur un sujet qui intéressait à son professeur ou à son institutrice.

Une dissertation est au moins un essai, à moins que la discipline a la fac en question ait imposé des restrictions draconiennes sur le combien on pouvait être personnel, dans son langage, dans ses observations divagantes etc, mais au cas idéal, c'est un essai, mais aussi davantage : un essai (sens étymologique!) de défendre une thèse (autre mot pour la dissertation) ou de faire de la recherche ou de résumer une recherche faite et qui a donc à répondre à des critères imposés du dehors.

En anglais, on appelle les rédactions et les dissertations essays, mais c'est une courtoisie. En suédois ou allemand, on appelle les deux "uppsats" / "Aufsatz" et aucun Suédois ou Allemand ne voudrait confondre ça avec un "essä" / "Essay".

Et quand à des formes verbales, comment serait-ce si un romancier ne pouvait jamais parler d'un roman, ni un poëte d'un ode, mais qu'ils étaient obligés de dire "j'ai romancé un truc sur Frodon Sacquet" ou "j'ai poétisé sur une urne grecque"? Le résultat de l'action a normalement un nom qui est un nom commun, un substantif, donc, on classifie Le Seigneur des Anneaux comme un roman, et Ode to a Greek Urn comme (déjà dit dans le titre) un ode.

Que personne n'écrit d'essai en français n'est pas vrai, Defendente Genolini qu'on trouve ou trouvait en DirectMatin en édition de Paris en faisait pas mal sur "cette date dans l'histoire". Et des mini-essais sur les saints aussi, même endroit.

Quant à traité, j'aimerais distinguer : le traité est plus long que l'essai et il épuise un sujet davantage.

Par C. S. Lewis, le livre Miracles est un traité. L'original n'est pas rubricé comme essay. Tellement que, si certains avant l'aurait classifié comme un (long) essai, l'auteur l'appelle "A Preliminary Study".

Par contre, le livre en Original "God in the Dock" est une "essay collection" et quant à la traduction française "Dieu au banc des accusés", la description mêle "essais" avec "discours" et "articles". Probablement en partie parce que les traducteurs savent que le mot "essai" en lui-même (qu'ils n'omettent pourtant pas) est moins usité en français à ce moment.

Dieu au banc des accusés est un recueil d'essais et de discours sur des sujets très variés, touchant à quelques grandes questions que l'homme se pose face à Dieu. Ouvrir un livre de Lewis, c'est toujours comme ouvrir une fenêtre dans une pièce qui sent le renfermé. C'est particulièrement vrai des brefs articles de ce recueil qu'il avait l'habitude de rédiger pour certains périodiques. Qu'il s'agisse du "mythe devenu fait", de la réalité des miracles, des rapports entre science et religion ou de la tendance de l'homme moderne à rendre Dieu responsable de tous les maux de l'univers, Lewis nous interpelle et nous entraîne dans des réflexions lumineuses, celles qui lui ont fait dire : L'athéisme s'avère être trop simpliste. Si l'univers dans son ensemble n'a aucune signification, nous n'aurions jamais dû découvrir qu'il n'a aucune signification.


Dieu au banc des accusés
https://www.amazon.fr/Dieu-banc-accus%C3%A9s-C-S-Lewis/dp/2884170480/


Voici un titre anglais que j'aimerais bien voir traduit en français:

Fern-Seed and Elephants and Other Essays on Christianity
https://www.amazon.com/Fern-Seed-Elephants-Other-Essays-Christianity/dp/0006240682


This collection of seven essays show C.S Lewis at his most vigorous, defending his vision of full-blooded, orthodox Christianity in his prose style.


Celui-ci aussi:

The Worlds Last Night, and Other Essays (Relié – 1960)
de Clive Staples (1898-1963) Lewis (Auteur)
https://www.amazon.fr/Worlds-Last-Night-Other-Essays/dp/B000OP8CL0/




Noter : "The Worlds Last Night, and Other Essays" est de son vivant. Il n'est pas limité à des essais directement sur le Christianisme, contrairement à "Fern-Seed and Elephants and Other Essays on Christianity" qui a été compilé après son décès par Walter Hooper, chaque essai par lui-même, mais la collection par Hooper. L'essai numéro III est très loin de la théologie dans son propre sujet, et parle d'une certaine vision de la société qu'il déteste. Et même si l'essai titre, "The World's Last Night" implique la vision chrétienne sur l'apocalypse, l'accent est sur les idéologies (Communistes ou Nazies) qui justifient des cruautés dans le présent par leur vision d'un futur radieux sur la terre (ce qui est incompatible avec l'Apocalypse).

Mais, même pour la collection par compilé par Hooper, qui à l'époque était dans le clergé anglicane, il est désormais converti catholique (même année que moi, 1988) ce n'est pas le genre de choses qu'on lirait trop souvent de la chaire, il y a un élément de son style de prose, ce qui fait que c'est adressé à son publique, ayant un tel goût, et non à une paroisse.

C'est assez dommage si ça restera impossible à trouver en français, juste parce que les Français n'écrivent plus d'essais. Ou soi-disant (j'y reviens).

En plus, parfois un traité peut être tripartite, comme "L'Abolition de l'homme" consiste de trois essais. Il y a dedans aussi un appendix avec deux essais dans le droit pénal. Ou quadripartite, The Four Loves consistant de quatre essais à propos chaque type d'amour entre 1) affection, 2) amitié, 3) amour romantique et 4) l'amour de Dieu et du prochain ou la charité. Si traité convient pour le tout, alors essai convient mieux que traité pour une des parties.

Disons comme ça, c'est un peu inculte de dire que "personne ou presque écrit d'essais en français" quand la catégorie "Essayiste français du XXIe siècle" comporte 711 pages. Et "Essayiste française du XXIe siècle" en comporte 160. Par contre, Jean Madiran et Maurras ne sont pas notés comme Essayistes, mais comme Polémistes. Leur droit à ce titre là est indisputable, mais si la polémique se trouve dans la forme d'essais, ils sont dès par là aussi essayistes. Mes Idées Politiques est une collection d'essais pas totalement recommandable, vu que celui qui dit "la politique d'abord" et celui qui émet des doutes sur l'existance de l'âme ne sont pas trop catholiques. C'est pour ça qu'on a fait une autre collection (reprenant pas mal de "Mes Idées") qui s'appelle "Nos Raisons : Contre la République ; Pour la Monarchie".

Un essayiste a des libertés dont ne joue pas le prêtre dans sa chaire. Il peut tirer sa morale d'un film de culture populaire qu'il aime. Il peut aussi faire des critiques purement esthétiques de celui-ci. Et même s'il est Chrétien est espère en quelque manières de gagner des âmes, il n'est pas obligé d'omettre son plaisir, ni de passer les goûts d'une paroisse devant le sien. Il peut donc par exemple ne pas tirer la morale d'un film qui ne le plaît pas.

Juste pour clarifier, je définis mon métier comme essayiste, pas comme prêcheur. On peut aussi dire polémiste. Y compris dans le genre de polémique qui fait de moi un apologiste. Mais, pour revenir, je le suis dans un format qui me permet de me qualifier d'essayiste (et si quelqu'un voudra faire un article sur la wikipédia sur un 712e essayiste français du XXIe siècle, pourquoi pas).

Et pourquoi appeler ceci un "essai" plutôt qu'un "blog" tandis que souvent pour la forme parallèle en vidéo, le youtube individuel s'appelle un "vlog"? Parce que, d'un côté, le mot blog veut plutôt dire ce que j'appelle en latin "bloggus" (d'où l'adresse de ce site, "novus bloggus" écrit comme "nov9 blogg9"), c'est à dire le site, que ça voudrait dire ce qu'en anglais j'appelle un "blogpost" et en latin un "bloggatum". En plus, le bloggatum ne diffère d'un essai (le plus souvent) que dans la différence de support, sur internet pour le message blog ou article de blog, sur papier pour les essais déjà évoqués de C. S. Lewis. Mais des essais en original sur papier peuvent se retrouver sur internet, donc, un essai sur internet pourra un jour se retrouver sur papier aussi.

Hans Georg Lundahl
BU de Nanterre
St. Thomas d'Aquin
7.III.2019

Mise à jour du lendemain : les trois parties de l'Abolition de l'homme pourraient davantage être appelés discours qu'essais. Il les a tenus à l'oral.

"During the evening of February 24, 1943 Lewis gave the 1st talk ("Men Without Chests") of the Riddell Memorial Lectures that became The Abolition of Man."
"The 2nd Riddell Memorial Lecture entitled "The Way" by Lewis was given February 25, 1943. It became part of The Abolition of Man."
"The 3rd and final Riddell Memorial Lecture entitled "The Abolition of Man" by Lewis was given February 26. 1943."

H/T FB Group : Essential C.S. Lewis

No comments:

Post a Comment