Un jour, Luther décida qu'il y avait trop de clergé

Un jour, Luther décida qu'il y avait trop de clergé · Un jour, deux ou six femmes étaient sur le quai d'une ville portière de la Suède

Un autre jour, une décennie ou deux après, des femmes en Sigtuna sortent de chez elles pour braver les ordres du roi Suédois.

Comment "trop de clergé" ...? En plus des évêques, il y avait le clergé à Rome. En plus des curés, il y avait des chapelains, des aumôniers, des clercs qui avaient pour tâche unique de célébrer les messes pour tel ou tel bienfaiteur du monastère ou des chanoînes, il y avait les chanoînes, il y avait des prêtres en monastères, il y avait des prêtres qui offraient des indulgences avec des prêches et les absolutions et communions, donc aussi souvent messes qu'il fallait pour les gagner et encore certaines indulgences étaient donnés pour un don à l'Église pour un but pieux, comme de rebâtir la Basilique de St. Pierre. Ce dernier type n'existe plus dans l'Église catholique, et ses adversaires l'appellaient "vendeurs d'indulgences" ... ceux-là et les prêtres des ordres mendiants étaient ce que Luther détestait le plus. Pour les régions en Royaume Germanique (grosso modo Allemagne, Autriche, parties de la Suisse et Liechtenstein) et les royaumes (deux) dans le Nord qui adoptaient la Réforme luthérienne, le clergé allait être réduit.

Ces deux royaumes, c'étaient la Suède (dont à l'époque la Finlande était un duché) et le Danemark (dont Norvège était l'autre couronne restante, après la perte de le Suède).

Et Sigtuna, c'est en Suède. Entre Stockholm, déjà notre capitale depuis quelques siècles, hormis les temps sous Danemark quand Stockholm n'était que capitale régionale, et Sigtuna, la distance c'est 47 km - de nos jours environ une heure en "RER" et bus, à l'époque une journée à cheval.

Sigtuna avait au Moyen âge plusieurs églises. Les deux plus notables étaient peut-être l'église des Dominicains, "Mariakyrkan" ou Notre Dame, et Sankt Olof ou St. Olave, qui était l'église paroissiale. Le plan des hommes du roi - mercenaires de Lubeck - c'était de chasser les Dominicains et donner leur église, la plus spatieuse, au curé, et de démolir la vieille église paroissiale. Chose faite, quand j'étais à Sigtuna, St. Olave était une ruine, et la Notre Dame était l'église paroissiale, pour "l'Église" lutherienne qu'on appelle l'Église suédoise. Mais, comme dit, pas sans protestes.

Les femmes de la ville, probablement plus ou moins toutes les femmes de la ville, sortaient de chez elles et entouraient l'église de St. Olave. Les mercenaires les citaient d'obéir aux ordres du roi. Elle répondaient :

"Il faut obéir davantage à Dieu qu'aux hommes."

Elles furent écartés, les mercenaires n'avaient pas d'états d'âme et les femmes n'étaient pas soutenues par d'hommes prêts à une chouannerie - bien qu'il en eût d'autres.

De nos jours l'Église suédoise est souvent très œcuménique, et on avait dans la salle paroissiale un icône de l'événement. Je l'ai vue avant même d'être baptisé, et ce m'était une indication que la Réforme n'était pas toujours jo jo ... quelques années plus tard, je me covertis en Catholique.

Réflêchissons. Il y a d'autres occasions pour se poser la question directe sur les raisons pour le Catholicisme ou contre la Réforme en tant que vérités sociales. Aujourd'hui, je vais réfléchir sur l'impact social. D'abord, les Réformes de Luther trouvent une résistance armée, en Royaume Germanique par l'Empereur, tout le siècle entre Réforme et Guerre de Trente Ans on était en guerre, par exemple la Guerre de Schmalkalde; très autrement en Suède (moins au Danemark, hormis Islande ?) par des insurrectionnistes, un peu comme la Réforme anglicane trouve une résistance en des insurrectionnistes surtout en Yorkshire et en Irlande. La société devient plus violente, et les crispations entre peuple et pouvoir vont se solder dans une augmentation de la Repression, du pouvoir repressif de l'état.

Ensuite, les écoles dans les villes étaient surtout gérés par les prêtres notamment ceux qui n'étaient pas curés. Les écoles élémentaires ont persisté, mais les lycées en Suède étaient en berne entre la Réforme et les réformes scolaires de la reine Christine (qui a dû noter ça, ce sera entre autre pour ça qu'elle se convertit au Catholicisme, j'ai visité son tombeau à Rome, dans la Basilique de St. Pierre, vers Pentecôte 1986, déjà en décalage avec l'Église suédoise, et environ deux ans avant ma conversion. J'y étais avec la classe de latin.

Mais, il y a une autre conséquence, peu notée.

Moins de clergé veut dire, en même temps deux choses :

• moins d'argent demandé aux fidèles
• plus d'argent pour chaque clerc restant.

Et une troisième :

• une salle plus pleine en service de dimanche.

Or, la première chose était justement ce que visait Luther ouvertement. La deuxième il l'abordait avec plus de discrétion, mais ça se voyait dans son mépris pour les ordres mendiants. Par contre, il convient de noter que les grands jets de Pat Robertson ou d'autres sont dans cette ligne. Et avec 10 000 en culte de dimanche, chaque fidèle lui paie moins que les fidèles dans les temps avant Luther - et quand même il s'en sort mieux, financièrement. Là où 5000 tsiganes sont assemblés,

Ceci veut bien entendu dire des salles de culte beaucoup plus bondés. Une conséquence de ça a été vue au début de la pandémie en France, en Alsace et Lorraine.

Pour se rallier les puissants, Luther flattait l'idée que les gens, par la piété catholique, devenaient trop paresseux. Les pèlerinages, il était contre - parce que c'étaient des vacances. La Réforme a donc favorisé des structures où davantage de gens travaillent avec plus intense cadence. Les deux phénomènes sont liés. Plus les ouvriers sont nombreux, plus ils deviennent replaçables, et plus ils deviennent remplaçables, plus on peut leur imposer des cadences encore plus intenses.

Or, un autre très grand cluster de la première vague, il était une grande usine de viande. Même si ça avait été une aussi grande usine de légumes, elle aurait fait un cluster, puisque des gens devaient se côtoyer de manière assez nombreux en contacts. Un supermarché grande surface a aussi été touché. Et, le pauvre Luther, aurait-il même rêvé de tout ça? Bon, quand il voyait le diable qui le reclamait comme le sien, ou le Christ qui l'encourageait de retourner et qu'il qualifia du diable, il avait peut-être des présentiments que quelque chose n'allait pas très bien clocher. Mais il bravait ce genre d'inspirations. Il les prenait, toutes, comme des tentations du diable.
/HGL